Les lignes tracées d’Anne Teresa de Keersmaeker pour Marie Goudot au Musée d’Art Moderne

Intensément, depuis une dizaine d’années, l’immense chorégraphe flamande tisse des liens entre sa danse musicale et les espaces des musées. Après le Centre Pompidou ou le Louvre, elle investit jusqu’au 2 avril l’espace vide que constitue le niveau 6 du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, pour une déambulation mathématique que porte à merveille la si précise Marie Goudot. 

Cette déambulation se nomme 5Agon. Il s’agit d’une création pensée pour cet espace du musée, à l’occasion de la rétrospective consacrée à l’oubliée Anna-Eva Bergman. La peinture de cette artiste traduit très vite une obsession double pour le nombre d’or et les lignes très franches. Le lien avec l’écriture d’Anne Teresa de Keersmaeker est évident. Elle aussi s’intéresse de très près à ces deux questions qui sont au cœur de tout son travail depuis 1982, en y associant une fusion entre la musique et le geste. 

5Agon est une succession de cinq soli. Mais avant d’entrer dans le mouvement nous comprenons qu’il faut prêter attention à l’espace, immense, vraiment immense. Alain Franco est au milieu d’une salle immense, réellement immense, il joue des compositions personnelles aux allures de Bach. Sur les murs, de minuscules dessins représentent des demi-arcs et autres lignes. Ce sont les croquis de chorégraphie de la chorégraphe. Il est extrêmement émouvant de l’imaginer griffonner ce qui devient, à chaque fois, un acte fort. 

Nous comprenons qu’il faut suivre Marie Goudot, fidèle parmi les fidèles de la compagnie Rosas. Elle nous amène vers un premier espace où un cercle en sable blanc est tracé au sol. Elle le toise en dedans et en dehors, l’apprivoise.  On voit les chevilles se chevaucher, le dos se grandir pour ensuite se consumer. Les vrilles font leurs apparitions et la référence à Fase est immédiate. Depuis l’une de ses premières créations, Anne Teresa de Keersmaeker s’intéresse aux traces que laisse la danse. Le sable est ainsi accidenté par la danseuse. Elle nous entraîne de la sorte de salle en salle. Suivant des lignes évidentes et d’autres symboliques, intérieures.  L’écriture est à tomber de précision. Le dispositif ne laisse place à aucune faute, et c’est sous le regard très concentré de la chorégraphe que la danseuse évolue jusqu’à une danse de l’enfermement, dans un espace comme un bocal, entièrement recouvert de sable. Elle qui passait au milieu de nous avec autorité devient inaccessible. Il y a aura un avant et un après.

Évidemment, la grammaire utilisée pour 5Agon est connue, elle se place dans les fondations de Rosas : horizontalité, verticalité, circularité. À cela s’ajoutent d’autres fondamentaux : vrilles, latéralité, courses arrêtées. C’est une danse abstraite qui résonne parfaitement avec les peintures à la fois sombres et lumineuses d’Anna-Eva Bergman.

La performance se donne en continu, sans que le sable soit remis en état entre les passages. Entre le 1er de ce matin, 30 mars  et celui du 2 avril?; que restera-t-il ? Sûrement cette élasticité du temps et de l’espace qui est si souvent expérimentée dans le travail de la chorégraphe. 

Dates
31 mars 2023
1er avril 2023
2 avril 2023

Performance en continu de 14h à 17h30. Gratuit avec votre billet d’exposition.

Lieu
Musée d’Art Moderne de Paris
ARC
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris

Visuel : © Anne Van Aerschot