Danse
Du classicisme et de l’explosif au Festival Artdanthé

Du classicisme et de l’explosif au Festival Artdanthé

31 March 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Au programme de la soirée du 30 mars au Théâtre de Vanves, A Duet de Dovydas Strimaitis, un pas de deux cherchant à interroger les bases classiques de la danse contemporaine et Pop Corn protocole, un manifeste à l’esthétique “fabriene” d’Annabelle Chambon & Cédric Charron. On vous raconte !

Dovydas Strimaitis a récemment quitté le ballet de Marseille en marquant de ses longs cheveux roux et de ses capacités de porté son passage dans la cité phocéenne. Aujourd’hui chorégraphe, il se questionne comme tous ses pères et mères à leur début sur la façon de se comporter face à la structure scolaire. En peinture ça marche pareil, il faut de la figuration avant de passer à l’abstraction.

A Duet est un spectacle composé d’un seul mouvement : le saut du petit allegro. Ce pas de danse classique se compose de pieds en cinquième puis en seconde, de pliés, de sauts verticaux qui inversent la cinquième, d’échappés, et de glissés.
Clara Davidson, Ibai Jimenez en académiques oranges et ponctuées de trous vont effectuer ce pas, essentiellement dans le silence. Eux deux ont un casque et écoutent quelque chose. La contrainte est posée : eux savent, nous non. Nous sommes presque en situation de répétition, ils pourraient s’entraîner tous les deux au studio, écouteurs dans les oreilles.  La pièce active deux ressorts très classiques pour le coup dans le contemporain qui sont l’épuisement et la danse répétitive. Le cas le plus emblématique est Folk’s d’Alessandro Sciarroni qui dans sa version d’origine s’arrêtait soit quand plus aucun danseur ne dansait, soit si le public était totalement parti.  A Duet est une belle tentative, mais reste en surface de son idée. Le lien entre la fatigue, la boucle et le dépassement de soi est clair, mais aucun lien n’est fait vers une autre réflexion, plus neuve. A Duet reste un exercice très bien mené et une belle prouesse technique.

Ensuite, nous revenons de façon très radicale dans un monde “d’avant”. C’est simple, la dernière fois que nous avions vu des danseurs accoucher du capitalisme (à l’époque dans des caddies), c’était dans Orgie de la tolérance de Jan Fabre en 2009. Depuis, le metteur en scène, chorégraphe et plasticien, a disparu des radars, a été condamné en 2022 pour agression sexuelle et violences. Pop Corn protocole, c’est du Fabre sans Fabre. Une performance qui ose tout : scatologie, vulgarité, sexe, pour dénoncer fort (et bien ?!) l’industrie du Pop Corn. 

Annabelle Chambon et Cédric Charron ont été interprètes chez Jan Fabre et ils étaient dans Orgie de la tolérance, au Festival d’Avignon, dans la cour du Lycée Saint-Joseph. Désormais, ils avancent seuls, libérés du maître. Ils provoquent leurs propres images dans un mash-up d’actes explosifs. 

Le spectacle montre comment “le maïs est le concentré biologique du capitalisme”. Il y en a partout, “le maïs est partout et dans tout”. Alors, ces militants écologistes partent au combat. D’ailleurs, le spectacle se joue en soutien aux militants gravement agressés par les forces de l’ordre à Sainte-Soline, il y a quelques jours. Leur armure est une tenue d’escrime dont le casque est piqué de brins de maïs. Ils sont accompagnés de deux musiciens géniaux : Jean-Emmanuel Belot et Mari Lanera. Les punchlines anti maïs se délivrent sur une base techno des plus prenantes.

Annabelle Chambon et Cédric Charron passent d’un état à un autre sans transition. Ils ne choisissent pas entre la danse, le cirque et le théâtre. Ils sont à 2000 %.  Leur danse au départ est un pas de bourré réalisé avec des sabots. L’image est forte : ces gardiens de la planète casqués au pieds lourds. Il y aura d’autres images de toute beauté. Comme cette figure d’un corps sans tête, remplacée par une poubelle (vide). Là encore, la grammaire Fabre est super présente. La différence, c’est qu’ils sont eux deux seuls aux commandes de leur spectacle, libres de leurs choix artistiques, de leur temps de travail, de leurs limites.

Le spectacle manque parfois un peu de structure, il faut l’avouer. Mais c’est une bouffée d’air frais, à la lumière parfaite, au son idéal et aux états de corps engagés. On a hâte de voir la suite, il paraît qu’ils en préparent une !

Le Festival Artdanthé se poursuit jusqu’au 1er avril avec, au programme,  à 19H30 Cascas d’Ovo de Jonas et Lander et à 21H, une fête spectaculaire CE SOIR, ON DANSE !

Visuel : © Pierre PLANCHENAULT

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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