
El Amor brujo, Galván et son double s’amusent au Théâtre de la Ville
Attention chef-d’œuvre ! Si seulement ce n’était pas l’hiver à Paris en plein été, on se croirait quelque part dans une calle espagnole à jouer à troubler le genre. Galván s’éclate en bonne compagnie au Théâtre de la Ville jusqu’au 11 juillet.
Galván face au classique
Ici, le roi du flamenco contemporain vient délicieusement se frotter à un tube : « L’Amour sorcier » de Manuel de Falla. Si, si, vous connaissez, écoutez…
C’est bon, c’est revenu ?
Bon.
Alors tout commence par un noir, et tout commence par une écoute : des pas, des cordes, du gravier peut-être, des lames… Le décor et la danse s’entendent d’abord. Puis arrive Alfredo Lagos à la guitare, accompagné du double féminin d’Israel, nommée, attention !!! Edouarda de Los Reyex ! Il est parfait en tragédienne, cheveux longs, lunettes noires, ciseaux à la main prêts à tout couper. La silhouette est géniale, et elle signée Nino Laisné, compagnon de route de François Chaignaud. Rien que ça.
Galván plus loin que le flamenco
Pendant tout un temps, la danse se fait assise. Il faut rappeler que Galván, explore depuis longtemps les ouvertures possibles du flamenco. On l’a vu, ces quinze dernières années, tout faire sur un plateau.
En 2007, Israel Galván, dansait dans des cercueils pour La Edad de Oro à Boulbon. En 2017, un an après une terrible blessure, c’est à genoux qu’il descend les marches de la Cour d’honneur pour Fiesta. En 2018, il danse au milieu des chats du cirque Romanès.
De Galván, on sait les zapateados détournés au profit d’un propos souvent très personnel. Il a dansé la mort, la folie et depuis 2018, il travaille souvent avec le théâtre et le clown. El Amor brujo est donc un spectacle drôle.
Galván est au climax. Il a avalé, digéré et fait siens tous les pas possibles du flamenco, masculin et féminin. Il déroule les castagnettes sans castagnettes, et glisse sur le sol semé d’embûches comme s’il était lisse. Car oui, l’un des gros fondamentaux de Galván, c’est l’embûche. Les sols sont des acteurs, bruyants. Ce n’est pas le cas ici, mais il peut taper dessus (le mur de la Cour d’honneur, les cordes d’un piano pour son Sacre…).
Déborder
Sur le petit plateau de Cardin, il n’y a plus un espace vide. Deux chaises (normal pour du flamenco !), un piano droit, une autre chaise pour le guitariste, et des trucs par terre qui roulent, qui cisaillent, des casseroles, des récipients… Il faut au moins ça pour entrer dans l’histoire d’une gitane qui, séparée de son amoureux par le retour d’un amant mort, s’unit à lui par la sorcellerie. Rien que ça !
Et tout dans la danse de Galván incarne cela. Tempêtes, brûlures, incantations au sol, bras altiers. Et puis un jour, le flamenco vient remettre de l’ordre, enfin, un ordre, où le décalage cher à ce danseur explose dans le piano malmené par Alejandro Rojas-Marcos et le chant comme étouffé de David Lagos.
Ce qui est fou ici c’est le talent libéré. Tous les quatre n’ont rien à prouver et sont dans une distance incroyable avec leur instrument. Les fentes de Galván, ses pirouettes, ses attitudes, sont toutes des prouesses faites avec un naturel lié à l’expérience.
À voir absolument si vous n’êtes pas encore sur les routes des festivals !
Jusqu’au 11 juillet, à l’Espace Cardin.
Visuel : © Daniel Mpantiga