
Avec “Echos”, un hip-hop sensible et surprenant à Avignon
Le Théâtre Golovine offre toujours de belles surprises en danses contemporaines et urbaines avec son “Off Danse”, véritable festival à l’intérieur du festival Off d’Avignon. La preuve nous en a encore une fois été donnée avec la troupe masculine d’Échos.
À quatre, ils créent un espace qui prend corps. Le plateau devient lui-même un être vivant à part entière, traversé d’un souffle. Les quatre danseurs de la Compagnie Alexandra N’Possee redonnent du sens, par leur gestuelle et leur présence, au collectif. Les solos ont certes leur place, comme dans toute démonstration de hip-hop qui se respecte ; cependant, se transformant en duos puis s’amplifiant dans des moments rythmés à quatre, ils prennent une autre dimension et se donnent à penser eux-mêmes comme les fragments d’un tableau en puissance, qui se met en place sous nos yeux.
Progressivement, Échos prend de plus en plus d’envergure. La pièce du chorégraphe Abdennour Belalit dessine les contours d’une inquiétude, d’un sentiment d’étrangeté de plus en plus palpable… À un moment donné, les danseurs, soulevant leurs épaules avec de plus en plus de difficulté, dans un rythme de soubresauts qui nous semblent désespérés, toussent, éternuent, paraissent s’étouffer : c’est qu’il s’agit ici aussi de rendre compte de l’état de notre planète. Torses nus, chacun avec un corps singulier, les danseurs expriment notre vulnérabilité face au monde. Êtres humains exposés aux désordres environnementaux (et au réchauffement climatique !), nous demeurons fragiles. Et il se pourrait que l’air nécessaire à toute vie devienne irrespirable. Devant cet état de fait, et malgré la puissance et la beauté de ces corps masculins tout en musculature, il y a ce cri, qui ouvre Échos : “Où est mon sol ? Où est mon ciel ?”, et qui reviendra, tel un mantra accompagnant une quête à l’issue indéfinie. Le déséquilibre se créée et se lit au travers des corps, l’espace de la scène se transforme en territoire inattendu. Des recoins sombres apparaissent et modèlent la scène, grâce au travail de Stéphane Avenas, créateur lumière. Les images sont fortes et nous ouvrent à l’idée de faire de nos corps l’endroit même d’une confrontation sensible avec le réel. Aussi hostile ce dernier puisse-t-il être, il faudra bien se mesurer à lui, sans détour.
Ce spectacle offre un beau moment de hip-hop qui séduit tout public, même le moins sensible ou accoutumé au genre. Seul bémol : une musique qui aurait mérité d’être plus travaillée afin de ne pas se réduire à un simple fond sonore.
Du 6 au 29 juillet 2018 à 16h30 (relâches les 10, 17 et 24)
au Théâtre Golovine – 1, bis rue Sainte Catherine 84000 Avignon
Visuels : ©DR