Danse
Avec Chronic(s)2 Hamid Ben Mahi vide son sac

Avec Chronic(s)2 Hamid Ben Mahi vide son sac

05 February 2021 | PAR David Rofé-Sarfati

Le duo Hamid Ben Mahi et Michel Schweizer inscrit sa nouvelle création dans l’actualité de la crise sanitaire, une parenthèse opportunément utilisée à dresser quelques bilans.  La quête identitaire de Ben Mahi se conjugue avec l’intime et le talent dans un magnifique seul en scène parlé et dansé. 

 

En 2001 la collaboration entre Michel Schweizer et Hamid Ben Mahi donnait le ton d’un nouveau genre chorégraphique : un solo autoportrait mêlant danse de et récit. Vingt après ce solo inclassable, dans une nouvelle intrication entre l’oeuvre artistique et cette fois l’épidémie qui remplace les événements du 11 septembre, Hamid ben Hami nous revient pour confier sans narcissisme ni nombrilisme le cheminement de sa pensée alors que 20 ans ont passés sur cet événement et que se retournant il commente ce qui l’a conduit jusqu’ici. De celui qui a réussit la fusion entre rock, hip hop modernité et  tradition,  danse de rue et danse classique, nous écrivions en 2012 : Hamid Ben Mahi est un incroyable danseur à suivre de près. Et nous avions raison.

Une belle maturité

Chronic(S) 2, nous embarque dans une épopée autobiographique où questionnement anecdotes de vie et danse se mêlent pour qu’émerge une nouvelle identité du danseur, et que se redéfinissent notablement une humanité et un rapport au monde. Le danseur y parle de sa vie, de son métier et de ses dilemmes

Hamid Ben Mahi fête cette année les 20 ans de sa compagnie, vingt années de besogne sur la danse hip hop où l’artiste a incorporé d’autres disciplines artistiques, bousculé les codes de la danse contemporaine, pris la parole pour dénoncer la ségrégation, les conditions des sans papiers, l’histoire franco algérienne, inscrit son oeuvre de dialogue entre le hip hop et la danse contemporaine. 

Nous étions peu à découvrir le deuxième opus des chroniques du danseur, quelques professionnels dans la belle salle du Théâtre d’Angoulême. Sur un plateau presque vide, l’artiste s’approche du micro sur pied et lance un Bonjour. Alors la salle s’emplit de la vision de son public ; nous rejoignent ces amoureux de la danse innovante contemporaine proche de l’actuel, ces aficionados du danseur, et puis aussi quelques jeunes filles de banlieue enthousiasmées par le parcours de l’artiste et par une  chaude proximité qui leur invente un chez soi, des moins jeunes aussi qui ont vieillis avec lui, des amateurs de danse avides d’humanité, des fans de Hip Hop , des mordus de performances. Il aurait certainement beaucoup applaudi, ce public fidèle sédimenté depuis deux décennies. 

Une virtuosité contributive

Vite après ce bonjour se pose la question du comment chercher des solutions à ce monde qui souffre et fait souffrir. Le spectacle très parlé devient la confession d’un homme mur piégé par le temps, par l’effacement automatique de la création,  par la vacuité du chemin vers la virtuosité et par ce désir farouche de continuer à rendre compte, à cracher le morceau. Il invite son fils qui se demande encore que veut dire être danseur, sa mère aussi , la tradition des hanches chaloupées, ses élèves à qui il transmet et qui s’éloigneront. À l’incomplétude de nos vies Ben Mahi offre la perfection de son geste. Reste le hiatus. 

Hamid Ben Hami est un indien

L’homme vide son sac: pour pouvoir durer, il faut laisser une trace, …  je plaisante. Pour lui pas de trace, il se voit un indien, membre d’un peuple dissout , un pessimiste dont l’empreinte d’une vie sera emportée par le temps. Le propos serait sombre s’il n’était servi et accueilli par la virtuosité et le sourire de l’artiste. À mi-étape de sa carrière , à l’âge où les danseurs de l’Opéra de Paris entrent en retraite, Hamid Ben Mahi s’inquiète de l’avenir en oeuvrant à bouder le passé. Il est planté là, dans notre présent. Le spectacle émeut de son humanité, confirme que la danse est contagieuse lorsqu’elle est bien faite. Il nous laisse un sentiment aigre doux d’apaisement … et un espoir fervent de voir le spectacle – formidable- dépasser la crise sanitaire afin d’être offert au plus grand nombre.

 

 

 

Chronic(S) 2

18, 19 ET 20 MARS 2021 > La Manufacture CDCN (Bordeaux – 33)
29 ET 30 MARS 2021 > Théâtre La Passerelle (Gap – 05)*
11 MAI 2021 > La Ferme Bel Ebat (Guyancourt – 78)

 

Crédit Photos ©Jean Charles Couty

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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