Cirque
Scala : l’élégant spectacle inaugural de la réouverture du théâtre mythique par Yoann Bourgeois

Scala : l’élégant spectacle inaugural de la réouverture du théâtre mythique par Yoann Bourgeois

18 September 2018 | PAR Yaël Hirsch

Après des années de latence, la Scala rouvre ses portes à Paris sous la houlette de Frédéric et Mélanie Biessy. Jusqu’au 24 octobre, Yoann Bourgeois y signe une première création hantée par le lieu.

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Tour à tour lieu de music-hall, cinéma d’art et d’essai, cinéma porno, bordel et fief d’une secte, la Scala renaît de ses cendres et renoue avec plus d’un siècle d’existence. L’endroit propose, sous la direction du producteur Frédéric Biessy (lire notre interview-fleuve), une programmation éclectique entre public et privé, musique et art contemporains, avec en bonus une restauration léchée.

Quand nous arrivons un peu avant 21 heures une semaine après l’ouverture, c’est déjà (ou encore) en effervescence. Bar plein, billetterie à guichet fermé, la Scala est un cocon de vie pure. Et pourtant tout y est sombre, d’un bleu noir élégant signé par le chorégraphe de Patrice Chéreau et architecte du lieu, Richard Peduzzi,. Ce bleu Scala, on le retrouve sur scène pour le spectacle inaugural créé sous influence de ce lieu unique par l’élégant Yoann Bourgeois.

Alors que les escaliers qui signent ses scénographies, aussi bien que les meubles, les murs et les cadres sont « bleu Scala », deux trampolines brillent d’un bleu plus argenté des deux côtés de l’escalier. Tout est très familier mais aussi un peu inquiétant et étrange pour ceux et celles qui connaissent bien l’œuvre entre cirque d’acrobaties et théâtre de Yoann Bourgeois. En effet les protagonistes sont nombreux (Mehdi Baki, Valérie Doucet, Damien Droin, Nicolas Fayol, Emilien Janneteau, Florence Peyrard et Lucas Struna). Ils apparaissent mais disparaissent tout autant. Ils sont happés par le sol, par les murs par les marches et par les décors. Tout se passe comme si les fantômes de ce lieu très habité entraient dans l’univers du metteur en scène. Des petits trous encore des petits trous… Il y a des trous partout qui s’ouvrent comme des béances vertigineuses dans la matière bleue uniforme que propose Yoann Bourgeois. Les corps de ses acteurs souples se faufilent et s’immiscent. Ils disparaissent plus comme des poissons magnifiques (la plus belle scène est une danse d’Hadès en sous-sol, magnifiée par la transparence et la lumière) que comme des esprits maléfiques.

La musique est belle, rythmée par du blues et du néo-tonal. Elle scande l’heure que dure le spectacle avec justesse, sans jamais nous inquiéter. Comme souvent chez Bourgeois, il y a la générosité des moments de pure poésie et des moments d’apesanteur où la matière et les corps semblent flotter comme des objets précieux, uniquement modelés pour nos yeux. Il y a des moments plus graves aussi, des moments-catastrophe où le mobilier tombe et où les cadres se décrochent ou les meubles se disloquent.

La Scala, c’est un peu tout ça : le bleu nuit de soirée trouble, l’élégance de se retrouver ensemble pour le spectacle et aussi souvent le risque de voir disparaître l’art avec l’espace nécessaire pour qu’il existe. Mais une fin heureuse est au rendez-vous et l’on sort du spectacle les yeux pleins de rêve et un peu rassérénés. Mais les fantômes de la Scala continue de nous hanter, pour le meilleur et pour le pire – et nous espérons pour de longues années.

Un spectacle signature de Yoann Bourgeois parfaitement adapté à l’ouverture d’un théâtre unique à Paris. A voir jusqu’au 24 octobre.

Visuel : (c) Géraldine Arestenau

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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