Cinema
Cinédanse : Des chimères dans la tête, de Groud, Pétrovitch et Plumet

Cinédanse : Des chimères dans la tête, de Groud, Pétrovitch et Plumet

30 June 2023 | PAR Nicolas Villodre

Il nous a été donné de découvrir en primeur, dans le cadre d’une fin de résidence de création au Colisée de Roubaix, deux sections d’un nouvel opus fusionnant chorégraphie et cinématographie, danse vivante et carton à dessin s’animant : Des chimères dans la tête, signé Sylvain Groud, Françoise Pétrovitch et Hervé Plumet.

Au filage, sans prétention

Sans présager du résultat final d’un spectacle qu’il sera possible de découvrir à partir du 13 novembre 2023 au Klap de Marseille puis, dès  le 23 novembre, à La Villette – dans deux durées distinctes, l’une d’une cinquantaine de minutes destinée à l’audience la plus large, l’autre de trente-cinq minutes, à l’attention du jeune public – nous pouvons néanmoins affirmer que les choses se présentent sous les meilleurs auspices. Aux six mains des créateurs – du chorégraphe, de la dessinatrice et du vidéaste – s’ajoutent les douze membres des danseurs – les trois excellents intermittents du spectacle vus au Colisée étant Salomé Van Quekeberghe, Charline Raveloson et Quentin Baguet.

La précision horlogère qu’exige la pièce est telle qu’il convient de saluer le travail et le soin apportés durant le déroulement par l’équipe enrôlée par Sylvain Groud, notamment, aux lumières, Michaël Dez, à la direction technique, Robert Pereira, à la régie plateau, Maxime Béranguer, au son, Rémi Malcou… Tous contribuent à la magie d’un spectacle qui ravira petits et grands, les sujet et cible de celui-ci étant l’enfance. Nous ne sommes pas bien éloignés de l’univers de l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, qui avait inspiré à Walt Disney ses Alice Comedies, une série de cartoons en noir et blanc datant du milieu des années vingt qui, comme les films d’animation d’Émile Cohl et des frères Fleischer, mêlaient prise de vue réelle et dessin épuré de tendance “ligne claire”.

Cinéma élargi

Françoise Pétrovitch et Sylvain Groud avaient précédemment créé en collaboration Adolescent (2019), une pièce pour dix danseurs rythmée par la musique mais aussi par les interventions graphiques projetées sur grand écran. Pétrovitch passe ici du noir et blanc à la couleur et, il convient de le noter, du dessin à la peinture. Celle-ci emplit les contours d’un bestiaire stylisé, rêvé ou fantasmé au moyen de procédés dont elle a la parfaite maîtrise :  coups de pinceau d’encres de Chine de diverses teintes, lavis, aquarelle. Les créatures mythologiques ou oniriques résultent d’hybridation des têtes et des jambes, d’éléments plastiques et de bribes corporelles réelles, de 2 et 3 D, d’abstraction et de figuration. 

Hervé Plumet intervient, lui, de manière paradoxale. D’une part, il “rétrécit les gosses” esquissés par la dessinatrice et le chorégraphe en introduisant une structure narrative démarquée de celle du conte susceptible de rassurer la parentèle et de raisonner l’âge candide. De l’autre, il s’autorise des contrastes colorés à la Johannes Itten ou à la Josef Albers, des clignotements rappelant ceux des films expérimentaux de Paul Sharits – en évitant toutefois les fortes oppositions noir et blanc style Pikachu, pouvant entraîner des crises d’épilepsie. Nous a été révélé l’envers du décor dont nous ne dirons rien qui porte atteinte la magie de cette formule de danse multimédia. Une magie blanche obtenue avec des moyens physiques, optiques, mécaniques à l’ancienne et l’huile de coude des danseurs. Une féerie née de l’illusion théâtrale d’un Robert Houdin et des bouts de ficelle du film à trucs à la Méliès.

Visuel : Des chimères dans la tête, photographie : Frédéric Iovino pour le Ballet du Nord.

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Nicolas Villodre

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