
Avec “Plutôt vomir que faillir”, Rébecca Chaillon nous guide avec humour dans les coulisses de l’adolescence
Après sa Carte noir nommée désir, Rébecca Chaillon nous livre ses souvenirs du collège. A voir au Carreau du Temple lors du festival Everybody.
Du gavage adolescent
Des micro-ondes à perte de vue, des couverts et une énorme assiette aux allures de piscine : pas de doute, nous sommes dans la cantine d’un collège, ce lieu où se jouent les rapports de pouvoir entre élèves et où se perpétuent les injonctions des adultes à “finir son assiette”. Quatre jeunes gens, revêtues de survêtements colorés, font leur apparition et essaient désespérément de soulever cette monstrueuse assiette. Las, elle s’avère plus forte qu’elleux.
Le titre, Plutôt vomir que faillir, est à prendre dans son sens littéral : c’est bien de la nausée due à cette nourriture indigeste qu’il est question. En voilà pour preuve cette fourchette totalement disproportionnée qui nourrit, malgré lui, le jeune Zakary, pourtant déjà repu. Mais, bien sûr, il faut également faire jouer son sens second : l’ingestion dont il est question, ce sont aussi ces connaissances distribuées en continu par l’école, gavant les élèves comme des oies, ou les injonctions en tout genre dont sont victimes les adolescent.es. Injonctions à être poli.e, à être à l’heure, mais aussi à être un “garçon” ou une “fille”. Car, fidèle à ses idéaux, la metteuse en scène accorde une place prépondérante aux difficultés particulières rencontrées par les jeunes ostracisé.es en raison de leur couleur de peau, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre…
Une esthétique de la diversité
L’une des réussites du spectacle est de faire passer ces difficultés par différents canaux. Chaque jeune bénéficie de sa longue tirade, au cours de laquelle iel raconte son histoire. Le choix des performeur.ses est ici primordial : Rébecca Chaillon a eu à cœur de faire jouer des personnes racisées ou queers qui, dès lors, racontent un parcours singulier. Des capsules audio, à la sortie de la salle de spectacle, prolongent cette immixtion dans ces vies cabossées. La culture pop adolescente est également convoquée avec humour comme autant de supports d’identification.
La deuxième partie du spectacle nous embarque dans un moment plus collectif, où nous suivons les quatre adolescent.es s’introduire subrepticement dans le collège. Leur aventure est projetée sur l’assiette géante transformée en écran, tandis qu’iels se racontent des histoires d’épouvante. Le dispositif parodie les films d’horreur pour ados et, loin de paraitre superflu, participe d’une ivresse collective.
Un spectacle drôle et joyeux
Car, si Plutôt vomir que faillir met en scène la détresse adolescente, elle le fait avec une ivresse qui rend le spectacle paradoxalement fort joyeux. Une esthétique de l’excès, avec la très belle et très outrée performance d’Anthony Martine ou l’interprétation mélodramatique que nous livre Mélodie Lauret de “Dis, quand reviendras-tu ?”. L’effraction carnavalesque du collège et ce jeu avec la nourriture – enfin, on a le droit de le faire ! – participent d’un monde où tout est enfin possible. La qualité des performeur.ses (Chara Afouhouye, Zakary Bairi, Mélodie Lauret et Anthony Martine) prend une part active à la création de cette liesse inattendue.
En tournée
Les 20 et 21 février au Carreau du Temple à Paris, festival Everybody
Les 21 et 22 mars 2023 à NEST – CDN transfrontalier de Thionville-Grand Est
Du 12 au 14 avril 2023 au CDNO – Orle?ans
Distribution
Mise en scène : Rébecca Chaillon
Écritures : Rébecca Chaillon et les acteurices
Avec Chara Afouhouye, Zakary Bairi, Mélodie Lauret et Anthony Martine
Dramaturgie et collaboration à la mise en scène : Céline Champinot
Assistanat à la mise en scène : Jojo Armaing
Scénographie : Shehrazad Dermé
Création sonore : Élisa Monteil
Création lumière et régie générale : Suzanne Péchenart
Création dispositif réseau-vidéo : Arnaud Troalic
Régie lumière : Myriam Bertin
Régie son : Jenny Charreton
Régie plateau : Marianne Joffre
Paroles et composition des chansons «Tout mon sang» «Et si je l’étais ?» «Poil» et «Putréfaction» : Mélodie Lauret
Photo plateaux de cantine : Macha Robine
Visuel : © Marikel Lahana