Rap / Hip-Hop
Yasiin Bey et le Hypnotic Brass Ensemble, envoûtants à la Villette

Yasiin Bey et le Hypnotic Brass Ensemble, envoûtants à la Villette

13 September 2019 | PAR La Rédaction

Ce samedi 7 septembre, Yasiin Bey aka Mos Def, est venu de New York nous enchanter les oreilles toute la soirée (en tout cas à partir de 23 heures… Pour rester une heure sur scène… Come on Def!).

Par André Barillé

Il était accompagné de l’orchestre Hyptonic Brass Ensemble, dont 8 des 9 membres sont les fils du trompettiste jazzman Phil Cohran, notamment connu pour le morceau White Nile. Après une introduction très blues, Yasiin Bey, affublé de son bonnet culte et lançant des pétales de rose sur scène, entama le concert avec « Ciel étoilé », une mélodie énergique et une ode d’amour à la France et ses étoiles. L’un des plus grands lyricistes des années 90, Mos Def a à son actif 3 albums dont le titanesque classique Black on Both Sides. Ce son, sorti en 1999 et son duo culte Black Stars avec Talib Kweli donna un superbe album éponyme. On pouvait donc s’attendre à du lourd. (S’il vous plaît, écoutez-le ) 

 Et nous fûmes servis. Véritable showman, Def enchaîne les pas de danses, les toupies et les cris rock. On le voit aussi très complice avec son orchestre, plus particulièrement avec le saxophoniste, avec qui il échangeait beaucoup. Sa voix envoûtante porte ensuite ses classiques Umi says, Mathematics, Body Rock et Ms Fat Booty entre autres, remixés à la sauce jazz avec brio par les 8 frères et leur accointance. La salle était bondée et le public, particulièrement hétéroclite pour un concert de « rap », était en osmose durant toute la performance. L’ambiance générale était vraiment au peace n’love, pas surprenant venant de Mos Def, l’un des protagonistes de la Zulu Nation (branche du hip-hop tourné sur l’amour, la zen attitude, le psychédélisme et surtout grand ennemi du gangsta rap, créé peu avant) et détenteur de l’un des plus beaux sourires du rap game.
Dommage quand même que les français ne connaissent pas les textes du grand Mos Def, se limiter à la vibe du son et ne pas comprendre les messages qu’il fait passer est carrément restrictif. Par exemple, Mathematics, son meilleur morceau selon moi. Il contient des paroles sur divers problèmes sociaux et demande à l’auditeur de les additionner et de tirer des conclusions à leur sujet. De nombreuses références aux nombres se trouvent dans cette chanson et parfois, Mos Def rime les statistiques dans un ordre numérique. La chanson met en lumière les différences entre les citoyens blancs et afro-américains des États-Unis et utilise les paroles “Do your math” demandant aux jeunes afro-américains de “faire leurs calculs” afin d’éviter de faire partie des nombreuses statistiques dégradantes dont il parle dans les deux couplets du morceau. La chanson est produite par l’illustre DJ Premier dont les célèbres « scratchs » constituent le pont du morceau. Premo considère même la prod de Mathematics comme une de ses préférés. Voici quelques exemples de la qualité d’écriture de Yasiin :

This is business; no faces, just lines and statistics
From your phone, your zip code, to SSI digits
The system break man, child and woman into figures
Two columns for « Who is » and « Who ain’t niggas »

C’est que du business, pas de visages, juste des lignes et des statistiques
Pris de ton téléphone, de ton code postal ou de ton signal SSI
Le système transforme homme, femme et enfant en nombres
Deux colonnes pour « Qui est » et « Qui n’est pas un négro »
It’s a number games, but shit don’t add up somehow
Like I got 16 to 32 bars to rock it
But only 15% of profits ever see my pockets
Like 69 billion in the last 20 years
Spent on national defense, but folks still live in fear
Like nearly half of America’s largest cities is one-quarter black
That’s why they gave Ricky Ross all the crack
16 ounces to a pound, 20 more to a ki
A 5 minutes’ sentence hearing and you’re no longer free
40% of Americans own a cell phone
So they can hear everything that you say when you ain’t home
I guess Michael Jackson was right, you are not alone

C’est une histoire de nombres qui ne s’additionnent pas
Comme je tue la prod pendant 16 à 32 lignes
Et pourtant seulement 15% des revenus arrivent à mes poches
Comme les 69 milliards des 20 dernières années (et encore, il est gentil)
Dépensés dans la sécurité nationale alors que les gens vivent apeurés
Comme presque la moitié des grandes villes américaines sont un quart noir
C’est pour ça qu’ils ont donné à Ricky Ross tout le crack (R.R. était le boss d’un cartel financé par la CIA, preuve que le gouvernement ne voulait pas que du bien à la communauté noire)
16 dollars le gramme, 20 de plus pour un kilo
5 minutes d’audience de sentence et tu es écroué à vie
40% des américains ont un téléphone
Comme ça le gouvernement entend tout ce que tu dis même quand tu n’es pas chez toi
J’imagine que Michael Jackson avait raison, tu n’es pas tout seul (Michael Jackson était un célèbre… non je rigole)

Voilà, quand on est confronté à une telle virtuosité dans un texte, c’est dommage de ne pas le comprendre. Et dites vous bien que Mathematics est une face B de l’album Black on Both Sides, que vous ayez un avant goût de la qualité exceptionnelle de cet album.

Merci pour ce grand moment champion.

Visuel : ©André Barillé

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