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Lhomé : “La vie est un miracle” (Interview)

Lhomé : “La vie est un miracle” (Interview)

17 July 2023 | PAR Kevin Sonsa-Kini

Magicien des mots, poète et rappeur, Lhomé vient de sortir son nouvel album intitulé Miracle(s). Un opus dans lequel il propose des textes inspirés et brillants qui parlent des hommes, des femmes, d’amour, de joies et de peines. Lhomé propose également un regard à la fois lucide et bienveillant sur le monde qui nous entoure, sa beauté comme ses injustices. À l’occasion de la sortie de son nouvel album, Lhomé s’est confié à Toute la culture

Toute la culture : Pourquoi avez-vous intitulé votre nouvel album “Miracle(s)”. Vous vous considérez comme un survivant ? 

Lhomé : Non. C’est parce que pour moi, tout ce qui défend la vie, est de l’ordre du miracle. Pour moi, cet album est un miracle parce qu’il a fallu beaucoup de vies pour qu’on arrive à le sortir. Ça n’a rien à voir avec le fait d’être survivant. C’est vraiment une manière de dire que la vie est un miracle. 

Que représente pour vous la pochette de l’album ? 

Elle représente quelque chose d’intemporel. Il y a quelque chose du passé mais ça montre aussi un truc apocalyptique. Cette photo représente aussi ce qu’il y a dans ma musique, c’est-à-dire, une part de douceur et de profondeur. C’est justement cette dimension de profondeur qui m’intéresse et que je mets dans mon imagerie et dans ma musique parce que c’est qui me permet de vibrer, de m’enrichir et d’être à ma place d’artiste. 

L’opus démarre avec le titre Incipit et se termine avec Kingsman. Qu’avez-vous voulu raconter à travers ces quinze chansons ? 

Les quinze chansons sont toutes différentes. On m’a suggéré de faire un album un peu homogène et je ne trouvais pas le beatmaker avec qui j’allais réaliser le projet. J’ai donc approché plusieurs compositeurs dont j’aimais bien le point qu’ils avaient tous en commun, c’est-à-dire, leur part de mélodie et de simplicité. Chaque chanson de l’album est comme un miracle à part entière. Pour les thèmes, je suis allé vers ce qui me touche le plus dans mon cœur. J’aborde des thèmes plus personnels notamment dans le morceau Comme Toi qui est une lettre à mon père. Plus que toi est une chanson d’amour que j’ai voulu plus universelle. Je traite aussi la violence et le fait qu’on a tendance à régresser malgré toute la modernité qu’on a. 

Il y a dans l’album, une chanson qui s’appelle Malik. Qui est-il et en quoi il vous a inspiré l’écriture de cette chanson ? 

Malik, c’est un jeune que j’ai eu en atelier. Il était très jeune, il avait 15, 16 ans et il a été assassiné dans des conditions terribles. Un jour, sa mère m’a envoyé un message en me disant : ‘Je suis la maman de Malik. C’est un jeune qui t’aimait beaucoup. Je voulais te dire qu’il a fini tragiquement.’ Elle était en train d’écrire un livre sur son fils et a partagé un passage de ce livre dans lequel j’apparaissais. Elle m’a aussi envoyé une photo de Malik et moi après l’un de mes concerts. Je me suis souvenu de ce jeune et combien il était fragile et gentil même s’il était borderline. Sa mère m’a raconté ce qui s’était passé, et cette nuit-là, je n’ai pas pu dormir parce que moi-même j’ai un fils qui a 17 ans et à qui ça aurait pu arriver. À travers cette chanson, je n’ai pas voulu raconter l’histoire de Malik mais plutôt la détresse de sa maman. J’ai essayé de me mettre à sa place. J’ai eu l’occasion par la suite de voir la famille de Malik à l’un de mes concerts. C’était un moment super émouvant. 

Cette histoire fait un peu écho à la mort du jeune Nahel (17 ans) et pourtant, cette chanson a été écrite bien avant cette tragédie…

Oui. Mais là ce n’est pas pareil. Ça n’a rien à voir avec la police ni avec les bagarres de gangs même si c’est vrai que les jeunes n’ont plus de limites. Ce titre, Malik, est d’abord un hommage au combat que mène la mère. 

Vous traitez les sujets de société dans votre album. Quel(s) regard(s) portez-vous sur la société d’aujourd’hui ? 

Je trouve que la société d’aujourd’hui est déséquilibrée, perdue. Il y a une sorte de no limit à tout. Que ce soit par rapport aux questions identitaires, aux questions sexuées, religieuses. Je vois un pays qui est dans un déséquilibre collectif et est complètement fissuré. L’un des faits d’actualité qui m’a le plus marqué, c’est la question de la cagnotte et là, je vois le clivage d’une France coupée en deux. 

Comment l’album a-t-il été accueilli depuis la sortie ? 

C’est encore tout récent mais je suis content car beaucoup de gens me disent que c’est un super album. Certains me disent même que c’est le meilleur album que j’ai fait. Mais pour moi, c’est un album parmi d’autres. En revanche, mes proches en ont un peu marre que je fasse de la musique depuis plus de dix ans. En tout cas, les titres de l’album ne sont pas redondants. On va d’un univers à l’autre. Il y a des titres très chantés, d’autres où je rappe beaucoup. Parfois, ça tourne même vers l’électro. Dans l’ensemble, les retours sont vraiment positifs et j’en suis très content. 

C’est l’album le plus intimiste peut-être ? 

Eh non. Le plus intimiste, c’était mon premier album, Tout est lumière, qui était comme une forme de thérapie. Par contre, il y a une forme d’intimité dans mon écriture. 

Quels sont les titres qui ont suscité le plus de réactions ? 

Je dirai L’Arche parce que c’est un morceau qui est très différent de ce que je faisais. Les gens ont aussi été touchés par les titres très intimistes comme Comme Toi qu’ils prennent comme une petite claque ou Malik qui est un morceau très émouvant. 

Avez-vous un mot pour les personnes qui ont aimé votre nouvel album et aiment votre musique ? 

J’aimerais leur dire de s’offrir du temps pour écouter des artistes et pas juste les consommer. On est dans un espèce de tourbillon où tout va trop vite. On est submergés. Je ne peux même pas écouter toutes les sorties qu’il y a tous les jours. C’est la raison pour laquelle il faut s’offrir du temps. Une fleur ne pousse pas en une heure, elle prend tout le temps dont elle a besoin pour pousser. 

Photos : © Benjamin Dupuy. 

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