Johnny Hallyday : la période has-been
Il y a quelques semaines est paru le nouvel album de Johnny intitulé « L’attente », succès autant critique que populaire ; jurant avec la précédente livraison de l’année passée, écrite en grande partie par Mathieu Chédid, qui fut, quant à lui, unanimement considéré comme un opus mineur…
Tout artiste peut être inégal dans ses productions, surtout lorsque ledit chanteur est quasi exclusivement interprète de ses chansons.
Sa réussite est donc tout autant celle de ses auteurs, compositeurs, réalisateurs qui participent à la délicate confection d’un album et de l’alchimie éventuelle qui se crée-ou non- entre ces différents intervenants.
Johnny est présent dans le paysage musical français depuis plus de cinquante ans mais il nous parait intéressant d’évoquer ici une période sombre durant laquelle le succès l’abandonna et qui le fit apparaitre, durant quatre longues années, comme un chanteur has-been.
A partir de 1980 qui voit la sortie du single “Ma Gueule”, immense tube d’abord créé sur scène avant d’être enregistré en studio, la carrière de Johnny marque le pas: tous les albums qui suivront, et ce jusqu’en 1985, seront des échecs commerciaux sans single à succès: malgré tout, il remplit toujours autant les salles, comptant sur son back catalogue, se reposant sur les lauriers de sa gloire passée…
L’artiste se pose des questions, change de collaborateurs quittant Michel Mallory créateur entre autres de “J’ai un problème”(1974- J’ai un problème), “Le bon vieux temps du Rock’n’Roll”(1979-Hollywood).
Pierre Billon, compositeur du testamentaire “Je ne suis pas mort, je dors”- hommage à Claude François alors récemment décédé- pour son ami Michel Sardou, déjà présent dans l’entourage artistique de Johnny depuis 1973, prend alors plus de place dans le processus créatif revendiquant pour l’artiste une plus grande ambition autant musicale que littéraire:
“Ne m’enterrez pas encore.
“J’ne suis pas mort: je dors.(…)
“Si quelque part, sait-on jamais
“J’avais un ami qui m’aimait,
“Tant pis, qu’il m’oublie.
“Je dors”.
Il réalise tous ses albums jusqu’en 1984: “Quelque part un aigle”(1982), “Entre violence et violon”(1983), “Drôle de métier”(1984).
Mais voila, son public ne suit pas.
Johnny doute pour la première fois depuis bien longtemps en cette année 1984.
Est-ce la cicatrice, réminiscence orgueilleuse de sa blessure d’enfance qui le fait tant souffrir à nouveau, déchirure narcissique,
sentiment diffus mais tenace d’un abandon manifeste?
Il lui faut réussir la traversée de sa mer intérieure.
Sur un chemin perdu et ses senteurs il tangue, victime consentante du vent, fuyant tout en murmurant un paisible air d’antan.
Le Rocker, comme un fils revenant vers sa mère quand les nuages se font noirs, retourne alors vers le berceau du Rock en se rendant à Nashville et se replonge à corps perdus, à travers des duos, dans les origines de sa musique-ses musiques: la Country, le Blues, le Rockabilly- ces madeleines proustiennes salutaires:
Emmylou Harris, Carl Perkins, l’immense Tony Joe White, Don Everly des Everly Brothers et les jeunes Stray Cats- la jeune garde, bouillonnante relève-, répondent à son invitation.
Il revient donc aux fondamentaux et sa voix se gorge à nouveau d’espoir.Il sent une brise ancienne amicale lui caresser l’épaule, il n’est donc pas si seul que cela:
Il y interprète en bonne compagnie le “That’s all right mama” du king Elvis, premier hymne Rock historique, à la rythmique tribale, cri primal de l’homme désespéré mais optimiste, tel un Ashkénaze esquissant les prémices d’un sourire, émanation tripale d’une indispensable volonté de survie.
De retour à Paris, Alain Levy, le nouveau patron de sa maison de disque, aimerait qu’il ralentisse la cadence de ses enregistrements en privilégiant la qualité à la quantité.
Dans cet esprit, il souhaite le voir travailler avec de nouveaux auteurs compositeurs: il lui présente, entre autres, Michel Berger, pourtant loin de son univers musical: Johnny lui commande une chanson, c’est bien trop peu pour l’orgueilleux Michel qui lui propose un album entier sinon rien!
Leur collaboration donnera naissance en 1985 à l’album “Rock’n’Roll attitude”, réalisant là un cross over parfait entre musique populaire et exigence artistique, immense réussite qui relancera sa carrière de manière fulgurante: il ne se sentira plus jamais abandonné après cet immense succès …
“C’est un chanteur abandonné qui a vécu sans se retourner
“Sûr que le blues est inventé pour lui, cette nuit(…)
“Il a donné ce qu’il avait, mais lui il se demande qui il est.
“Abandonné, oui abandonné!
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