Classique
Disques classiques et lyriques pour finir 2020

Disques classiques et lyriques pour finir 2020

30 December 2020 | PAR Victoria Okada

Voici nos disques parus en novembre et décembre, écoutes joyeuses et douces, puissantes et fortes pour finir l’année avec élégance.

Festival de clarinettes

American Songs

Le clarinettiste Patrick Messina et le pianiste Fabrizio Chiovetta proposent un florilège de mélodies américaines. Il brosse un portrait succinct de l’Amérique musicale à travers des pièces allant de Stephen Foster (1826-1864) et de Charles Ives (1874-1954) à Leonard Bernstein (1918-1990) et André Prévin (1929-2019), en passant par George Gershwin (1898-1937), Aaron Copland (1900-1990) et Samuel Barber (1910-1981). Ces compositeurs qui ont forgé la musique américaine du 21e siècle étaient de formidables mélodistes. Ce disque fait ressortir ce caractère dans des styles très différents : jazz, comédie musicale, avant-garde, mais aussi traditionnel… La clarinette suave ou alerte, douce ou espiègle, se marie pour chaque pièce au piano toujours pertinent ; les deux musiciens se complètent parfaitement, et c’est un vrai plaisir d’entendre une telle harmonie dans leur interprétation.

CD Aparté, AP231, durée : 59’ 

Dialogues par Nicolas Baldeyrou

Le clarinettiste Nicolas Baldeyrou est un spécialiste de la multiplication. Sur les réseaux sociaux, il se démultiplie pour jouer des pièces nécessitant plusieurs instruments, en faisant appel, si besoin, à ses collègues et étudiants qui jouent d’autres parties. Le résultat est toujours aussi impeccable que réjouissant. Son exigence, son sens de la précision, sa recherche de sonorité et d’effet le plus adapté dont il fait preuve dans ses vidéos, sont poussés à l’extrême dans ce disque. Il s’agit en effet d’œuvres qui requièrent une virtuosité et une musicalité hors  du commun : Bug de Bruno Mantovani, Domaines et Dialogue de l’ombre double de Pierre Boulez, ainsi qu’Assonance de Michael Jarrell. Les pièces centrales de l’enregistrement sont les deux compositions de Boulez que le clarinettiste souhaitait réunir depuis longtemps. « Dialogue intergénérationnel de compositeurs aux esthétiques différentes mais unis par un respect artistique mutuel et la conviction que la clarinette est le medium idéal de leur discours », écrit Nicolas Baldeyrou dans le livret. Que ce soit en solo (Bug et Assonance) ou dans un ensemble, il se démarque formidablement par son art à la fois minutieux et libre.

CD Klarthe, K101, durée : 66’25

Un peu de voix

Katharine Dain ou l’infini intime

L’enregistrement Regards sur l’infini de Katharine Dain et Sam Armstrong est le fruit du confinement du printemps. La mezzo et le pianiste étaient à Rotterdam, et ont profité de cette suspension forcée de la vie musicale sur scène et en salles pour polir un programme d’une intelligence raffinée qui emprunte son titre à l’une des deux mélodies de jeunesse de Dutilleux écrites pendant la Seconde Guerre Mondiale, et s’articule autour des Poèmes pour mi de Messiaen. De part et d’autre de cet épicentre se déclinent, comme en miroir, des pages délicates qui réparent quelque peu le manque de parité dans l’histoire de la musique. Si les harmonies diaphanes de Parfum de l’instant et Il pleut de Kaija Saariaho ouvrent et referment ce voyage dans la mélodie française, on redécouvre aussi deux pièces du cycle L’âme en bourgeon de Claire Delbos, qui fut la première femme de Messiaen et dont la carrière singulière a été précocement interrompue par une fatale intervention chirurgicale – on retiendra en particulier la fascinante épure a capella de Ai-je pu t’appeler de l’ombre, où le souffle des mots est à peine ponctué par une coda au piano. Avec son timbre homogène et soigné, Katharine Dain privilégie une atmosphère évocatrice et envoûtante, souvent au détriment de l’articulation des paroles. Les brumes de l’infini d’abord… GC

Katharine Dain et Sam Amstrong, Regards sur l’infini 7, Mountain Records Cd 7MNTN 024

Angelus, la mémoire et la résilience

C’est un voyage en Europe qui constitue le point de départ du monodrame Angelus de John Aylward. En 2014, son père venait de mourir et le compositeur américain avait décidé d’emmener sa mère sur les traces de ses racines et de sa jeunesse en Allemagne, que le nazisme l’avait contrainte à fuir et sur lesquelles elle n’était jamais revenue depuis. Un tableau avait particulièrement retenu leur attention, Angelus novus de Paul Klee, exposé au Centre Pompidou et reproduit sur la pochette du disque. Encadré par deux poèmes, l’un, en ouverture, d’Adrienne Rich, What is possible, et l’autre de Weldon Kees, A distance from the sea, Angelus réunit un kaléidoscope de grands textes métaphysiques, depuis Platon jusqu’à Walter Benjamin pour esquisser un cheminement à la conjonction de l’intellect et de l’émotion. Dans une vaste palette de moyens et d’expression, de la narration aux mélismes virtuoses, Nina Guo cisèle le subtil canevas textuel et musical de John Aylward, qui décline, avec un évident sens de la justesse intime, les différentes possibilités du rapport entre le verbe et le tamis sonore. Ce drame miniature, qui renouvelle, avec peut-être un soupçon d’intellectualisme qui ne sacrifie cependant jamais la sincérité de la sensibilité, est porté par le camaïeu feutré de l’Ecce Ensemble, sous la direction de Jean-Philippe Wurtz. Enregistré en juin 2019 à l’American Academy of Arts and Letters de New York, l’opus mériterait de traverser l’Atlantique lorsque la crise sanitaire sera derrière nous – comme un autre écho au retour aux racines du compositeur et de sa mère. GC

John Aylward, Angelus, New Focus Recordings CD FCR261

Rosemary Standley se lance dans les Lieder

A l’initiative de l’ensemble Contraste et de Johann Farjot, la chanteuse des Moriarty et de Birds on a wire propose un Schubert romantique. Une traversée où l’on retrouve adaptés à sa voix des extraits du Winterreise ou de la Schöne Müllerin. Avec une participation surprise de Sandrine Piau et le fameux Ave Maria en  mode quasi-jazz avec Airelle Besson à la trompette.  Alors qu’ils collaborent déjà ensemble sur le beau livre-album pour enfant Siam au fil de l’eau, Contraste, Farjot et Standley sont un magnifique trio qui traverse les frontières des genres.  

Rosemary Standley, Ensemble Contraste, Johan Farjot, Arnaud Thorette, Schubert in Love, Alpha Classics, sortie le 11/09/2020/. YH.

Vanessa Benelli Mosell lie Opéra et Piano

La pianiste italienne a grandi dans la tradition du Bel Canto et son nouvel album, Casta Diva, est un hommage aux “lions de piano” qui se sont passionnés pour l’opéra. Avec des arrangements personnels ou célèbres, elle revisite avec son piano des grandes pages lyriques : aussi bien l’ouverture du Guillaume Tell de Rossini, que des arias incontournables comme le Largo al Factotum du Barbier de Séville de Rossini, Che gelida manina de Puccini ou le Casta Diva de Bellini. Un ensemble très harmonieux et qui sonne romantique et doux à nos oreilles. A noter: Vanessa Benelli Mosell doit jouer le Concerto pour piano et orchestre op. 7 de Clara Schumann à l’Auditorium de Radio France le 8 janvier avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Franck.

Vanessa Benelli Mosell, Casta Diva, Decca, 1h07 min. Parution le 13/11/2020.YH

Un portrait festif de Nadia Boulanger par Astrig Siranossian

Avec Daniel Barenboim en guest chic, avec lequel elle joue dans l’Ensemble Diwan, et le pianiste Nathanaël Gouin, la violoncelliste Astrig Siranossian dresse un portrait haut en couleurs de “Mademoiselle” Nadia Boulanger (1887-1979), prof de piano mythique mais aussi chef de chœurs, pédagogue, chef d’orchestre, directrice du conservatoire américain de Fontainebleau et compositrice que l’on redécouvre aujourd’hui, qui a eu comme étudiants dans sa longue vie aussi bien Leonard Bernstein, Elliott Carter, Philip Glass, Quincy Jones, Michel Legrand, Igor Stravinsky, Daniel Barenboim et Astor Piazzolla. A travers ce portrait flamboyant d’influences, et 3 concertos pour piano et violoncelle composés par Nadia Boulanger elle-même, c’est à une traversée du 20e siècle qu’Astrig Siranossian nous convie. 

Astrig Siranossian, Dear Mademoiselle, a Tribute to Nadia Boulanger, Alpha Classics / Outthere Mudic, Sortie le 06 novembre 2020, 19 euros. YH

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