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Mort et transfiguration à la Philharmonie de Paris

Mort et transfiguration à la Philharmonie de Paris

18 March 2022 | PAR Vladimir

Nous étions mercredi 16 mars à la Philharmonie de Paris pour un concert très éclectique sur la thématique de la Mort, donné par l’orchestre de Paris sous la direction de son directeur musical Klaus Mäkelä, avec en soliste le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes.

C’est toujours une expérience très particulière que d’écouter la musique funèbre maçonnique de Mozart en concert. La première œuvre maçonnique de Mozart a une résonance toute particulière chez l’initié comme chez le profane, tant sa spiritualité invite à la profonde réflexion sur notre éphémère passage sur cette terre.
Intime et inspirée, l’interprétation de l’orchestre de Paris fût belle et soutenue, et les silences et belles respirations insufflées par Mäkelä, donne encore à ce jeune homme, un exemple de son étonnante maturité sur une musique d’expérience.
Le choix du concerto N°22 du même compositeur en suivant était excellent, joyeux concerto dont le mouvement central n’est pas sans évoquer lui aussi les thématiques de la mort : désespoir, révolte ou tristesse, jusqu’à une résurrection possible dans le dernier mouvement.
Andsnes, en soliste, est un pianiste mozartien, dont le sens du phrasé semble naturel, mais aussi celui de l’équilibre, et du rapport à l’orchestre.
Là encore, Mäkelä impose sa jeunesse et sa fougue, et ce Mozart là lui va peut-être encore mieux, lui qui n’était pas si loin de l’âge du jeune chef lorsqu’il écrit ces notes.
On a aussi apprécié la cadence très « schubertienne » choisie par Andsnes, moment suspendu dans le concerto, très apprécié des auditeurs.
Fût également acclamé le bis choisi par le pianiste suite à son ovation, une courte pièce méditative du compositeur ukrainien Silvestro (sic) dont l’interprétation fût dédiée à la mémoire des victimes déjà trop nombreuses du conflit Ukraino-Russe.

En deuxième partie, nous avions la création de la deuxième symphonie du compositeur autrichien Thomas Larcher, présent dans la salle, par un orchestre géant enrichi d’une large section de cuivres, d’un pupitre de dix percussionnistes, harpe, piano préparé et même d’un accordéon.
Le compositeur explore aussi l’idée de Mort dans cette sombre symphonie aux violents contrastes, de l’ultra violence des tuttis orchestraux avec les coups de percussions métalliques aux pianissimos les plus intimes de l’accordéon ou des cordes, et même du quintette à cordes dans une citation de musique de chambre viennoise de la fin du 19e siècle.
« La symphonie no2 est un symbole de ce qui s’est passé et de ce qui continue de se passer au centre de l’Europe » dira Thomas Larcher pour expliquer sa musique contrastée, toujours inventive, souvent surprenant, au coup sur prenante.
En résonance avec l’actualité, le public semblait sous le choc de cette œuvre puissante et encore une fois bluffé par la direction de Mäkelä, tellement à l’aise dans ce répertoire contemporain, aux mesures composées, aux nuances fortes, aux tempi changeants.

Il fallait du courage, et certainement une certaine énergie de jeunesse pour ensuite enchainer sur l’adagio (seul mouvement achevé de la main du compositeur) de la dixième symphonie de Gustav Mahler.
Ce répertoire est depuis longtemps dans les doigts des cordes (à l’honneur) de l’orchestre de Paris, mais peut être était-ce dû à la longueur et la densité du programme, nous avons un peu été déçu par l’interprétation donnée ici, assez froide et mécanique, manquant un peu de relief et d’intensité. Le déluge de décibels que nous avions pris juste avant avec la symphonie de Larcher et la longueur du programme y sont peut-être aussi pour quelque chose.
Mäkelä est un génie de la direction, à l’aise dans tous les registres, mais il n’est pas facile de passer de Mozart à une création contemporaine, en passant par Mahler dans une même soirée. C’est une performance en tout les cas, et un souvenir durable dans l’oreille du spectateur en ce soir de mars à la Philharmonie.

Visuel (c) Laetitia Larralde pour TLC

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