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Matthieu Stefanelli : le CD “Chroma”, le piano et la composition

Matthieu Stefanelli : le CD “Chroma”, le piano et la composition

29 July 2020 | PAR Victoria Okada

Chroma, le premier disque monographique de Matthieu Stefanelli, est sorti pendant le confinement (lire notre chronique). Ses compositions appartiennent à un univers musical immédiatement identifiable, dans une tradition française notamment sur le plan des timbres et des couleurs sonores, avec souvent une évocation de la nature. Il nous parle de ses compositions et son parcours.

Votre CD Chroma est le premier enregistrement monographique avec des œuvres composées sur plusieurs années. Comment avez-vous procédé pour le choix des pièces ?

Pour mon premier album monographique, j’ai souhaité mettre en avant en particulier le répertoire pour piano, puisque cet instrument a une place prépondérante dans ma vie. J’ai recherché dans mon corpus des œuvres solo contrastées. J’ai pensé y adjoindre mon concerto pour piano et orchestre de chambre Chroma (d’où le titre de l’album), mais aussi mon quintette Syn-phone : cela permettait une plus grande variété de timbres, mais aussi de réaliser un enregistrement plus complet et éclectique ! Tout ceci a été possible grâce au soutien de la Fondation Banque Populaire, dont je suis lauréat.

Dans ce disque, on entend des compositions qui évoquent souvent un grand espace tel que le ciel et la mer. Ce sont également des éléments de la nature. Quel est le rapport que vous entretenez entre la nature et votre musique ?

Enfant, je souhaitais devenir vétérinaire. Ce n’est qu’à l’âge de 12 ans que j’ai réalisé que je pouvais vivre avec des animaux de compagnie, mais ne pouvais me passer de musique ! J’ai compris ce qu’était ma vocation à cet instant, mais la nature, les animaux, les insectes, font partie intégrante de ma musique ! Ils ne me quittent pas. Il me semble que je m’imprègne de leurs chants et ils resurgissent dans mes compositions… C’est également à l’adolescence que j’ai découvert Messiaen et ce fut une révélation pour moi ! Ainsi que Florentz (Jean-Louis Florentz, 1947-2004) et Rautavaara (Einojuhani Rautavaara, 1928-2016), qui eux aussi ont un amour pour les chants d’oiseaux.

Vous êtes également pianiste et le piano occupe une place importante dans vos compositions. Cet instrument est-il le centre de votre univers musical ?

C’est assez paradoxal : mes premières compositions (dont les influences étaient trop présentes pour que je les garde à mon catalogue) étaient pour des formations très diverses (musiques de chambre et orchestre). Mais lorsque mon style s’est affirmé davantage, j’ai écrit la Sonatine et les 4 Illusions pour piano. A ce moment-là, le piano a occupé une place importante car il m’a servi de laboratoire. J’ai pu expérimenter de nombreuses choses avec l’instrument que je connaissais le mieux. Mais il faut également, me semble-t-il, tenter de sortir de sa « zone de confort » pour imaginer une musique qui ne pourrait se jouer au piano, d’où l’intérêt d’écrire pour d’autres formations et aller à la découverte d’autres possibilités.

Pourriez-vous parler de votre parcours musical ?

J’ai commencé la musique par le piano à 5 ans et demi en cours privé avec Corinne Bonnet, sur les traces de mon grand frère qui pratiquait déjà. Puis, je suis entré au Conservatoire de Nice (CRR) un an après. Je me souviens que je composais déjà à cette époque et rencontrais fréquemment un professeur de déchiffrage, Léon Garnier, lui-même compositeur qui regardait mes premières pièces.
J’ai poursuivi en écriture avec Jean-Louis Luzignant et en piano avec Odile Poisson et Cécile Collin, qui m’ont permis d’entrer au CNSM de Paris à 16 ans chez Jacques Rouvier, Prisca Benoît, puis Bruno Rigutto. J’y ai travaillé l’analyse musicale avec Alain Louvier, ainsi que la musique de chambre avec Claire Désert, Amy Flammer et le Quatuor Ysaye, puis l’orchestration au CRR de Paris, toujours avec Alain Louvier et Anthony Girard, mais aussi de la direction d’orchestre avec Philippe Ferro.
J’ai également suivi l’enseignement d’Hatto Beyerle (membre fondateur du Quatuor Berg) à l’European Chamber Music Academy (ECMA). Ce parcours multiple a été une force, car il m’a permis d’aborder la musique sous différents points de vue.
J’ai remporté quelques prix de concours internationaux en piano et musique de chambre (Orléans, Brême, San Sebastian, FNAPEC,…).
Puis j’ai rencontré à de nombreuses reprises Bernard Cavanna lorsque j’avais 20 ans à Gennevilliers, au Conservatoire dont il était directeur, qui m’a guidé pour la composition. Il m’a fait sentir la nécessité de trouver sa propre voie créatrice, de ne pas retomber dans des schémas préétablis. C’était très instructif car cela m’aidait à sortir de modèles que je connaissais.


Pourquoi êtes-vous devenu compositeur ?

Je ne sais pas pour quelle raison. J’ai eu envie de créer sous différentes formes dès mon plus jeune âge : en musique, mais aussi en dessin. Tout ce que je peux dire c’est que j’ai toujours aimé composer : à chaque instant de ma vie, j’écrivais ! Il faut croire que c’est une véritable nécessité ! Mais, bizarrement, j’ai mis beaucoup de temps à assumer d’être compositeur… Alors que j’avais plus de 20 ans, un ami pianiste, Olivier Cangelosi, à qui je venais de jouer ma Sonatine, a souhaité en faire la création en concert ! De là, j’ai commencé à me poser des questions sur la valeur de ce que j’écrivais. Je me suis présenté à un concours international de composition à Boulogne-Billancourt dont j’ai été finaliste. Cela m’a donné confiance et j’ai osé parler davantage de mes œuvres, notamment dans ma biographie. Et les commandes ont commencé à affluer…

Continuerez-vous à vous produire en tant que pianiste qui interprète des œuvres d’autres compositeurs du passé ?

Bien sûr ! Je viens de réaliser un récital vidéo pour Neutra Production dans lequel j’interprète la Sonate D664 de Schubert et l’Appassionata de Beethoven avec ma Passacaglia ! J’aime beaucoup cela, intégrer une de mes compositions à un programme du grand répertoire !
Je me suis beaucoup produit à travers le monde, notamment au sein du Trio Métabole, mais je continue de jouer en récital solo, ainsi qu’avec le ténor Patrick Garayt. Cela me plaît énormément !

Nous venons de vivre une période inédite de confinement face au virus COVID-19. Comment avez-vous vécu cette période ?

C’était très étrange : un interprète qui ne peut se produire, que fait-il ? Il est privé de sa parole, de son moyen d’expression… Dans mon cas, cela m’a permis d’écrire, de passer du temps en famille, avec mon épouse et ma fille. La plus grande inquiétude est l’après : les projets étant annulés ou reportés… Mon album Chroma est sorti en plein milieu du confinement. Cela m’a également occupé et empêché de trop m’inquiéter sur l’avenir. Le pire serait que cela se reproduise ! Peut-être serons-nous mieux préparés cette fois ?

Où pourrons-nous vous entendre prochainement ?

Le concert de sortie de l’album Chroma, qui a été reporté au 7 octobre à la salle Colonne. J’interprèterai également mon Concerto Chroma en juin 2021 avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne, qui me commande également 2 œuvres de musique de chambre qui seront créées au mois d’août 2020. Je donne un récital au Festival Musique à Groix en Bretagne le 10 août. Il y a aussi 2 commandes pour le Quatuor Girard, Sebastian Ene et le Quatuor Eclisses via le programme Mise en œuvre de la Sacem et de la Fondation Banque Populaire. Egalement une création pour le Saxback Ensemble et quelques concerts pour la Fondation Banque Populaire, notamment à l’Abbaye de Solignac le 13 octobre où j’interprèterai ma Sonata-Partita avec le saxophoniste Eudes Bernstein.

photos © Estann / Matthieu Stefanelli

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