
Nougaro célébré : à bout de souffle, il s’en allait il y a dix ans
Le 4 mars 2004, Claude Nougaro mourait, à 74 ans. Des années 60 jusqu’à l’an 2000, il s’était pourtant évertué à donner à la chanson française d’immortelles rengaines. Qu’on espère que vous connaissez tous.
Nourri dans son enfance au jazz et à la chanson française comme à la musique classique, Claude Nougaro mêla par la suite à ces influences, aussi diverses que finalement compatibles -et pas que- les sonorités africaines et sud-américaines, et, hélas, la bouteille, sur laquelle il tira toujours un peu trop. Parolier à ses débuts, dans le sillage de Georges Brassens, il s’engagea vite dans la voie du chant, en collaborant avec les meilleurs jazzmen français et internationaux, sans jamais renoncer à la langue française. Le résultat de ces mélanges ? une suite impressionnante de chansons éternelles.
Il y avait une ville dans son cœur, il nous aura beaucoup marqués avec… Laquelle, déjà ? On y reviendra. Ce n’est qu’une séquence, large tout de même, du cinéma que Claude Nougaro produisait sur scène comme sur ses disques. Un vrai film que sa longue carrière : ses premiers enregistrements, avec à la musique un ami du nom de Michel Legrand, datent de 1959 ! Et son dernier album de 2000.
Avec Nougaro, quelles étaient les évidences ? La notion d’interprétation, tout d’abord. Visitez de toute urgence sa Côte d’Azur. Pour savoir ce que c’est qu’une chanson, une vraie. Voix, texte, engagement, et au final, histoire racontée. Même toute simple, elle prend une dimension folle.
Ensuite, son aisance à manier le jazz et la java, au sens où il savait prouver que la musique de Davis et Coltrane pouvait se marier avec le français. On vous fait un peu injure en le citant, vous le connaissez tous, et c’est le plus évident, mais tout de même : souvenez-vous de son dialogue, dans tous les sens du terme, avec Armstrong, dans la chanson du même nom. On garde aussi en tête sa capacité à voyager dans la musique sud-américaine, et à changer un triste bidonville en chanson entêtante.
Il pouvait aussi bien miser sur la sensibilité, en parlant de Cécile, sa fille, que sur l’humour noir et imbibé, lorsqu’il nous avouait qu’il était « sous ». Il en sortait forcément gagnant. Après avoir fait s’agiter des cuivres pour peindre l’ivresse d’un match de boxe, dans lequel quatre boules de cuir s’activaient, il changeait brutalement de ton, et pour chanter sa crise de foi, et finalement avouer « Je crois », il avait recours… aux orgues. Sacrée palette. Qui savait même rappeler Léo Ferré : écoutez Paris mai. Plus ni tendresse, ni humour, ni cuivres. Par contre, du lyrisme.
Et la fameuse ville, dans tout ça ? une station de métro porte désormais son nom à… Toulouse, bien sûr !
Bon d’accord, on ne vous a cité que ses chansons les plus connues, celles des années 60. Eh bien, filez découvrir « L’Irlandaise », « A cœur perdu », « Vie violence » –contenues sur l’album ChanSongs (1993), vrai chef-d’œuvre- l’album Nougayork (1987) EN ENTIER, s’il vous plaît, ou « Clodi Clodo », « Le Coq et la Pendule » (1980), « Perle brune », son interprétation de la Lettre de Julos Beaucarne (1975) ou de « La Javanaise » (1974) de Serge Gainsbourg…
Aujourd’hui, dix ans plus tard, on s’apprête à célébrer l’amour sorcier qu’on éprouvait pour toi, Claude. Une anthologie de vingt-neuf disques, incluant tous tes enregistrements, studio comme concert, ainsi que deux albums « jamais édités », et un livre de 52 pages, tout ça dans un coffret à tirage limité ; un double dvd, Claude Nougaro l’enchanteur, regroupant 81 titres interprétés en live, et parfois même en duo, ainsi que des images d’émissions auxquelles tu participas ; et une compilation couvrant, enfin, toute ta carrière. Pour ma part, Claude, je n’oublierai pas d’aller me replonger dans ton album Bidonville de 1966. Rien à jeter, justement. Un chef-d’œuvre, tout simplement.
Visuel: © pochette du vinyle Mon assassin
Visuel: © coffret L’Amour sorcier, anthologie de Claude Nougaro
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