Les affres du divorce
Eliette Abécassis, auteure de “Qumran” (2001) et “Sépharade” (2010), investit l’espace domestique pour livrer une chronique amère et féminine du divorce. Ceux qui se sont aimés en viennent à se haïr, deux charmants jumeaux de 6 ans sont au milieu, et l’argent devient le nerf de cette guerre dont les tranchées sont des écrans d’ordinateurs… Sortie le 19 août chez Albin Michel.
Agathe et Jérôme ont vécu dix ans ensemble. Ils sont mariés depuis huit ans et ont deux jumeaux. Agathe est parolière de chansons, a gagné plutôt bien sa vie, avant de sombrer dans l’esclavage domestique et a toujours tout payé pour son mari, même leur premier voyage d’amoureux à Venise… Elle a agi ainsi par féminisme et par idéalisme amoureux… Jérôme a une boite de vente de lentilles de contact sur Internet. Après le mariage, il a cessé de lui faire l’amour, s’est fait de plus en plus absent, sous prétexte de voyager pour son travail, et a laissé Agathe s’occuper seule des enfants. Par habitude, lassitude et par peur, Agathe n’a jamais pu se résoudre à quitter Jérôme : dans sa famille, on ne divorce pas. Mais le jour où elle découvre par hasard sur le compte facebook de son mari qu’il couche avec des créatures rencontrées sur le net sur le canapé de leur salon, la bonne Agathe se rebiffe et décide d’entamer une procédure de divorce… qui la conduit au bord de l’hystérie, de la rupture avec toute sa famille, et la ronge pendant une longue année.
Écrit dans un style oral, et intégrant les diverses manières de communiquer via Internet, ce nouveau roman d’Eliette Abécassis touche par son impudeur. Et le cri de douleur est aussi une litanie de haine pure d’une héroïne finalement un peu cruche qui se réveille après six ans de sommeil pour tourner autour d’une obsession : se séparer d’un être qu’elle a aimé et n’aime plus. Nombreux sont ceux qui se reconnaîtront dans ce parcours du combattant administratif et émotionnel qu’est un divorce, et les lecteurs souriront à l’énoncé des erreurs de parcours “classiques” d’Agathe. En face, le personnage masculin n’est pas non plus très reluisant : lâche, pingre, nympho abonné au Cialis, et manipulateur aux bords de la perversion narcissique. Entre les deux, les enfants semblent dépourvus de toute personnalité, sauf pour sortir une phrase poétique à briser le cœur, et la famille d’Agathe est d’une traîtrise et d’une nunucherie effarantes. Enchaînant les aphorismes qu’il faut souvent prendre au second degré, et se délectant du marasme de son héroïne, Abécassis touche juste, et le problème de société et d’intimité qu’elle aborde trouvera certainement un très large public. Mais peut-être peut-on suggérer que si une fois l’amour mort et transmué en haine, la séparation qui éclaire l’autre d’une lumière nouvelle est douloureuse, divorcer quand on est encore amoureux brouille les pistes, mêle la haine pure à bien d’autres sentiments est peut-être encore plus apocalyptique.
Eliette Abécassis, “Une affaire conjugale”, Albin Michel, 325 p., 20 euros. Sortie le 19 août.
“De toute façon, un homme, ça ne sert plus à rien de nos jours. Ca ne fait pas la vaisselle, ça ne s’occupe pas des enfants, ça ne fait même pas l’amour, parfois ça ne gagne pas d’argent et ça salit du linge.” p. 195.
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