Le Best Of livres 2022

Fictions, essais, témoignages, les types de récits ont été très pluriels cette année. Voici ce que les rédacteurs et rédactrices de Toute La Culture ont retenu de leurs lectures.

Elise Vincent

Cette année, j’ai particulièrement aimé deux très beaux livres sur les estampes japonaises : la nouvelle édition de Taschen de Les Estampes japonaises d’Andreas Marks (paru en décembre 2021) – qui retrace les œuvres et les artistes phares de la période allant de 1680 à 1938 – et Yôkai de Koichi Yumoto (paru en septembre chez La Martinière) – qui fait une incursion dans la mythologie nippone en présentant les créatures surnaturelles du folklore japonais. Un vrai plaisir pour les yeux et un apport culturel certain. Et en grande amatrice de littérature jeunesse, je retiens aussi, parmi les belles découvertes d’albums, Betty et Burt de Julie Colombet ainsi que Et j’ai rêvé le jour de Julie Safirstein, en partie pour leurs choix graphiques, qu’il s’agisse de jeu sur l’objet-livre ou de la gamme de couleurs. Mais si je dois évoquer un livre qui parlera davantage à l’adulte que vous êtes qu’à votre enfant intérieur, mon énorme coup de cœur 2022 est sans aucun doute le roman Mémoires de la forêt de Mickaël Brun-Arnaud (L’École des loisirs, mars). Le livre aborde avec beaucoup de douceur les thèmes ô combien difficiles du deuil et de la perte de mémoire – et dans une moindre mesure ceux de la famille, du non-dit et de l’identité – à travers le parcours de Ferdinand Taupe qui, atteint de la maladie de l’oublie-tout, peine à retrouver le livre qu’il a écrit et Maude, son amour perdu. Aidé par le libraire de Bellécorce, Archibald Renard, et de quelques vieilles photographies, il chemine à la recherche de ses souvenirs et des êtres qu’il a aimé au cours d’un voyage qui mettra au jour bien des secrets. Une histoire bouleversante qui est aussi une belle leçon d’amitié et d’acceptation.

Maï-Linh Tang-Stievenard

Cette année, plein phare sur les polars ! Dans la série thrillers psychologiques, je n’ai pas lâché Le Fils de l’Homme de Jean-Baptiste Del Amo. Un Shining revisité qui explore avec force la transmission héréditaire de la violence et les rapports tragiques qui peuvent s’instaurer entre père et fils. Un huis clos à l’ambiance lourde, sur le fil du rasoir. Dans la même série, j’ai adoré Nos âmes au diable, co-écrit par Jérôme Camut & Nathalie Hug, récompensés par le grand prix du Festival Sans Nom Mulhouse 2022. Âmes sensibles s’abstenir dans ce thriller très noir qui narre la disparition d’une fillette de dix ans et le combat d’une mère pour la retrouver. Lorsque les recherches conduisent à un multirécidiviste connu par la justice pour viol, Jeanne, personnage principal, comprend que rien ne sera jamais plus comme avant. Nous suivons avec émotion la lutte poignante de Jeanne pour retrouver sa fille. Les parallèles avec les scènes de détention de la fillette m’ont bousculée et le dénouement m’a littéralement laissée ahurie. Un thriller qui heurte par la violence des descriptions et des multiples émotions des protagonistes. On n’en sort pas indemne. Je termine sur une note plus légère avec mon coup de cœur de l’année. Mention spéciale pour Le Carnet des rancunes de Jacques Expert. Jacques Expert est à la base un journaliste à l’humour décapant qui, à travers ses livres, parvient à nous faire rire du malheur des autres sans même qu’on éprouve une once de culpabilité. Et on l’aime pour ça ! Depuis vingt ans, Sébastien Desmichelles note soigneusement dans un petit carnet rouge chaque offense, chaque blessure qu’on lui inflige. Collègues, voisins, amis, famille, personne ne le sait, mais personne n’échappe à sa liste. Aujourd’hui est l’anniversaire des 50 ans de Sébastien. L’heure de la vengeance a sonné. Pour l’homme qui lui a fait le plus de mal, il a prévu un châtiment exemplaire : la mort. Cette lecture a été pour moi un pur plaisir. Jacques Expert nous livre encore une fois un thriller qui nous fait passer de l’hilarité à l’angoisse. Un page-turner machiavélique et terriblement jubilatoire qui nous donnerait presque des idées. Attention aux rancuniers à qui vous offrez le livre…

Marine Stisi

Mon année 2022 aura été placée sous le signe de l’intime: Anne-Fleur Multon et son très remarqué (et très beau) premier roman Les nuits bleues, les magnifiques confessions sur la maternité et le corps de Julia Kerninon dans Toucher la terre ferme ou enfin l’œuvre entière de l’autrice américaine Joan Didion que j’ai dévorée pendant l’hiver… Je suis entrée avec beaucoup de plaisir et d’émotion dans ces maisons dont elles ont accepté d’ouvrir les portes et j’en garde un souvenir ému. Je me souviendrai également longtemps de Miss Joséphine, roman de l’américaine Margaret Wilkerson Sexton qui a marqué mon été et qui, dans la veine d’une Toni Morrison, nous transportait au cœur d’une lignée de femmes noires à la force spectaculaire, à La Nouvelle Orléans. Quel bonheur, enfin, de terminer l’année avec l’ouvrage de Lucie Azéma, L’usage du thé, qui nous fait traverser le monde à la découverte de cette plante ancestrale, passionnante dans le lien qu’elle tisse avec les cultures. 

Visuel : Gallimard