
La Littérature et le nu : entre atténuation et sublimation
Si le nu est difficilement détachable de l’érotisme, on ne peut en ce qui concerne la littérature, le réduire à cette simple notion. En effet, la description du corps revêt également une dimension poétique, de même que psychologique et philosophique avec l’idée de mise à nu.

Certes les plus grands auteurs, Diderot, Beaudelaire, Apollinaire, Verlaine, Aragon, La Fontaine, Alfred de Musset, Théophile, ou encore Jules Verne, se sont risqués et illustrés à l’écriture d’œuvres coquines. Toutefois au-delà de l’érotisme, du tableau grivois, le nu en littérature, c’est avant tout la mise en avant, voire la sublimation du corps quel qu’il soit par les mots. Depuis toujours, et à travers toutes les civilisations, le corps fascine. Il constitue l’interface physique, réelle qui nous représente, qui représente l’être humain aux yeux du monde, lui donnant une consistance « matérielle ». C’est à travers notre corps en premier lieu, que nous ressentons le monde qui nous entoure. Ainsi, se retrouve-t-il marqué, abîmé, courbé par les épreuves de la vie et le poids de ce monde. La littérature c’est précisément la peinture du monde, de la société, d’une époque, la peinture de l’être humain au sens le plus large.
Aussi, réduire le nu à la simple notion d’érotisme, de même le rapprocher uniquement de la notion de beauté, de volupté serait donc mettre de côté la représentation du corps pour lui-même, pour l’histoire qu’il suggère, qu’il représente, ses joies mais aussi ses souffrances. La représentation de la nudité dans la littérature doit donc indubitablement être abordée la problématique de la représentation du corps dans des œuvres littéraires diverses.
De ce fait, le nu peut être dans certains textes, l’apanage de la lubricité et de la débauche, autant que le signe d’une pureté et d’un naturel, d’une symbolique religieuse ou d’une sacralisation du corps qui participent à la conception d’un idéal. A travers les mots, l’on peut donc être en présence d’un corps intégralement nu, partiellement dénudé, parfois voilé, d’un corps brisé, décharné, violenté, voire cadavérique. L’expression et la représentation de la nudité existent donc sous de nombreuses et diverses formes. Néanmoins les mots, la poésie, le langage semblent à chaque fois opérer comme une sorte de filtre. La nudité est là, présente au cœur du texte, on la sent, on l’entend, on la lit, mais on la voit sans la voir. A l’instar d’un tableau ou d’une photographie, qui pourrait choquer, les descriptions les plus belles comme les plus insoutenables, ces clichés de corps usés, desséchés, que notre regard n’aurait su supporter, comme ceux des plus fantasmés, idéalisés que l’on n’aurait osé regarder, semblent beaucoup moins nous heurter lorsqu’ils sont portés par les mots. Que le vocabulaire soit vulgaire, abrupte, tragique, qu’il évoque la déchéance, la vieillesse, la maladie qui ronge les corps ou qu’au contraire il magnifie et idéalise à outrance, la magie des mots opérants, semble tout atténuer, ou du moins nous permettre de tout voir.
Ainsi la nudité en littérature revêt un caractère irrémédiablement positif en tant qu’elle symbolise sinon la liberté, la possibilité de tout montrer, l’intérieur comme l’extérieur, le meilleur comme le pire de l’être humain.
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2 thoughts on “La Littérature et le nu : entre atténuation et sublimation”
Commentaire(s)
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Steph
Un bien bel article, je n’avais jamais envisagé le nu dans la littérature sous cet angle. J’aime particulièrement la notion de nu qui fait ressortir la nature de l’être humain. Finalement, en lisant cet article on se dit que la notion de censure est bien ridicule.