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[Critique] “Les métamorphoses”, Christophe Honoré adapte et exalte la liberté d’Ovide

[Critique] “Les métamorphoses”, Christophe Honoré adapte et exalte la liberté d’Ovide

30 August 2014 | PAR Yaël Hirsch

Métamorphose sylvestre et mythique pour Christophe Honoré  qui quitte les sentiers psychologiques et historiques auxquels il nous avait habitués. Le réalisateur adapte la somme narrative d’Ovide dans un film aux accents pasoliniens. Parfaitement libérés des carcans de l’intrigue, les corps en mutation et en émoi animal exercent une fascination quasi-sacrée. La vie même!

[rating=5]

Réorganisées autour de la figure modernisée d’Europe, la princesse séduite par un Jupiter prenant la forme d’un taureau, les Métamorphoses d’Ovide dans la caméra de Christophe Honoré proposent de passer d’un personnage mouvant à un autre pendant 1h40 de transformations magiques, où le désir est toujours moteur. Les corps sont jeunes, divers, Jupiter séduit, Bacchus et Junon se vengent, entre la nature immémoriale de la région de Montpellier et les couloirs d’hôpitaux ou de cités d’aujourd’hui.

Tout est fluide, fuyant, dans le naturel des corps dénudés, du désir qui va droit au but, et qui s’arrête seulement sous le joug de pouvoirs proprement “monstrueux” : celui de divinités émotives, qui changent leur maîtresse en génisse pour ne pas se faire prendre par leur femme ou encouragent une mère à dévorer son fils pour punir la calomnie. Il y a du Pasolini dans la force de vie qui se dégage de ces Métamorphoses jouées par des gens jeunes, qu’on sent bien de leur temps, sous (ou sans) leurs costumes. Et il y a surtout une incroyable sensation de liberté qui vient avant tout de la forme. Explosant son esthétique en démultipliant les paysages, les acteurs, les animaux, Honoré a bien retenu la leçon qui l’a marqué dans le texte d’Ovide. Il s’est fait disciple de la citation qu’il met en exergue : “Je me propose de dire les métamorphoses en des corps nouveaux“. C’est en appliquant à son cinéma le principe d’action qui préside à l’art ovidien, que le talentueux cinéaste parvient à proposer une mythologie pleine de souffle : l’art d’aimer, c’est surtout la liberté de détacher des carcans formels et laisser la fenêtre ouverte à l’imagination…

Les métamorphoses, de Christophe Honoré, d’après Ovide, avec Amira Akili, Sébastien Hirel, Damien Chapelle, France 2014, en compétition à la Mostra de venise, distribution : Sophie Dulac. Sortie le 3 septembre 2014.


visuels : photos officielles du film (c) Jean-Louis Fernandez

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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