
“Une saison de nuits”: le premier roman de Joan Didion enfin traduit en français
Romancière, essayiste, journaliste et scénariste, Joan Didion est une des figures majeures de la littérature américaine de la seconde moitié du XXème siècle. Son premier roman, Une saison de nuits, paraît en 1963. Traduit pour la première fois en Français cinquante ans plus tard, le roman vient de paraître aux éditions Grasset.
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Au départ, le synopsis paraît banal: un drame conjugal vieux comme le monde où l’homme jaloux tue l’amant de sa femme. Sauf que ce point de départ qui se situe au coeur des années 60 est prétexte à remonter le fil du temps et permet à l’auteure de dérouler la vie des deux protagonistes, Lily et Everett, des années 30 jusqu’aux années 60. Et à travers eux, c’est toute l’histoire de l’Amérique qui défile en filigrane.
Dans une Californie aisée, issus de riches familles d’exploitants, derniers représentants des grands pionniers de l’ouest américain, Lily et Everett trainent leur jeune insouciance. Et c’est tout naturellement que le mariage, la vie commune et les enfants arrivent. Faussement lancinante, mélancolique, le regard souvent trouble, Lily laisse la vie faire à sa place. Vivant chez sa belle famille, sans amies proches, elle tentera à maintes reprises de se sociabiliser et de participer au monde qui l’entoure. Sans succès. Cet ennui de jeune femme blasée, combiné à l’arrivée de la Seconde guerre mondiale et à l’éloignement d’Everett, qui verra dans le conflit une cause bien plus noble que la vie domestique, façonnera le couple de façon indélébile.
Au-delà du portrait d’une vie conjugale dramatique, Une saison de nuits est le récit acide des désillusions de toute une génération d’américains aisés pour qui les années 60 amorcent la fin du rêve américain. Sans rêves ni défis, bien loin des grandes ambitions de leurs ancêtres, Lily et Everett tromperont leur ennui tant bien que mal et incarnent très justement une Amérique en pleine mutation.
Sous la plume brillante et vivace de Joan Didion, les clichés s’effacent pour laisser place à une vison subtile et pertinente d’une époque charnière. Dommage que cette traduction trop tardive rende si lointaine la substance du récit, la pertinence du propos étant par là même un peu dépassée.
Une saison de nuits, de Joan Didion – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Philippe Garnier. Editions Grasset. Parution: mars 2014. 332p. Prix: 20€
Visuel: © Couverture du livre.