
« Le Jour d’avant » de Sorj Chalandon : au nord, c’étaient les corons
27 décembre 1974 : la catastrophe de la mine de Liévin fait 42 morts. Sorj Chalandon revient sur cette histoire à travers un homme hanté par le souvenir de son frère décédé et habité par l’esprit de vengeance.
[rating=3]
Il faisait froid en ce lendemain des fêtes de Noël 1974. Mais le travail continuait, et les mineurs de Liévin-Lens devaient retourner à l’endroit qu’ils exécraient mais qui leurs permettait de vivre. Depuis quelques jours cependant, les ouvriers de la fosse 3bis se plaignaient plus particulièrement des conditions de travail : le rythme était trop soutenu, il ne restait plus rien à extraire, la fermeture de la fosse approchant et, surtout, la ventilation se révélait fatiguée et défectueuse. Et ce qui devait arriver arriva puisqu’un coup de grisou souffla, en ce 27 décembre 1974, 42 mineurs. Ce fut la plus grande catastrophe minière enregistrée depuis celle de Courrières qui avait fait 1099 victimes en 1906.
C’est à partir de cet accident que Sorj Chalandon déroule son nouveau roman. Michel Delanet, proche de la soixantaine, ne pense qu’à son frère Joseph, décédé à la suite des blessures reçues lors de la catastrophe. Et à son père, pendu dans la grange, qui n’a pas supporté de perdre son aîné. Le seul message qu’a trouvé Michel sur le cadavre du suicidé lui fixe une mission qu’il se doit de remplir, puisque dernière volonté d’un mort : « Michel, venge-nous de la mine ». A la place d’un procès qui n’a jamais eu lieu, Michel choisit la vengeance : les salauds qui n’ont jamais payés pour leurs crimes doivent souffrir.
Cependant, rien n’est simple chez Chalandon et l’on n’a pas ici affaire à un roman de vengeance comme il existe des « revenge movies » (Kill Bill ou encore Old Boy). Le lauréat du prix Médicis (Une promesse, 2006), du Grand prix du roman de l’Académie française (Retour à Killybegs, 2011) et du prix Goncours des lycéens (Le Quatrième Mur, 2013) choisit la voie des souvenirs et de la culpabilité pour évoquer la tragédie de Liévin. C’est un homme meurtri par l’obsession et difficile à saisir que le lecteur suivra, allant de surprise en surprise.
Le Jour d’avant, Sorj Chalandon, Editions Grasset, 336 pages, 20,90 euros
Date de parution : 16 août 2017
Visuel: Couverture du roman