
“Babylone” : Yasmina Reza et le drame énigmatique
Dans son nouveau roman, Yasmina Reza poursuit son oeuvre minutieuse. Épars, noir et esquissé, Babylone plaira aux fans de la dramaturge mais laissera peut-être les nouveaux venus à son oeuvre dans un brouillard un peu frustrant.
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La soixantaine un peu désenchantée mais très cultivée, la narratrice, Elisabeth, raconte comme l’un de ses amis d’enfance – d’ailleurs pas trop proche- dérape lors d’une soirée mondaine et assassine sa femme. Elle-même vient de perdre sa mère, dans un coton d’observation désabusée où amour et ressentiments semblent d’être aplanis et le thriller avance comme dans un Nouveau Roman : sans tambour, ni trompette. Sauf que les petits travers de la bourgeoisie parisienne sont bien épinglés au fur et à mesure qu’on feuillette un grand livre de photos classique de Robert Frank.
Celle dont Ostermeier monte les pièces à la Schaubuhne et que Polanski adapte produit un fin roman mystérieux, acerbe, qui mêle sa recette efficace de références culturelles, d’anti-vaudeville et de mystère. Les petits travers d’une certaine classe sociale sont exposés comme au microscope et donnent lieu à de grands drames qui ne vont pas jusqu’aux tripes. L’indifférence est puissante et l’intrigue aussi floue que possible dans ce roman où même la narratrice est froide, lointaine et vague. Les fans de Yasmina Reza apprécieront sa manière de persévérer dans un art du Roman concret et en pointillés. Les nouveaux venus devront attendre un livre plus viscéral ou simplement plus proche que cette histoire absurde de meurtre bourgeois pour que leur cœur vibre au même rythme que les phrases bien serrées et très tournées de l’auteure. Une cuvée authentique, donc, mais aussi difficile d’accès.
Yasmina Reza, Babylone, Flammarion, 300 p., 20 euros. Sortie le 31 août 2016.
visuel : couverture du livre.