Essais
“L’Enfer réglementé. Le régime de détention dans les camps de concentration” par Nicolas Bertrand

“L’Enfer réglementé. Le régime de détention dans les camps de concentration” par Nicolas Bertrand

30 March 2015 | PAR Jean-Paul Fourmont

Chercheur associé au centre Chevrier « Savoirs : normes et sensibilités » (Université de Bourgogne/ CNRS), Nicolas Bertrand est docteur en droit. Pour ses travaux relatifs au régime de détention dans les camps de concentration nazis, il a reçu en 2012 le prix de thèse de la Faculté de droit de l’Université Humboldt. Résidant à Berlin, il enseigne désormais le droit à Iéna, au sein de l’Université Friedrich-Schiller. Historien du droit, ses actuelles recherches portent notamment sur le national-socialisme et le « droit » (plus spécifiquement sur les procédures pénales menées par les tribunaux SS). Il vient de publier un ouvrage intitulé Le régime de détention dans les camps de concentration, récemment paru chez Perrin.

9782262040833

« Pourquoi pas une dissertation sur l’amour des moutons chez les loups ou sur le végétarisme chez les félins ? »

Dans son rapport de pré-soutenance, c’est ainsi que le Professeur Charles Leben interpellait le futur docteur. L’on saisit sans mal sa surprise, tant nazisme et droit paraissent s’exclure par principe. Pourtant, la répression nazie s’est déroulée conformément à un certain ordre (juridique), lequel a été délaissé par la recherche (en droit notamment), et ceci peut-être parce qu’il est difficile – voire excessivement dérangeant – de relier l’enfer des camps à la concrétisation de règles juridiques.

Les bourreaux, « des gens comme nous »

Amalgamer la violence nazie à une multitude d’excès arbitraires perpétrés par des sadiques a certes pu sembler vraisemblable et confortable, dans la mesure où cela a permis au tout-venant de se distancier de la (triste et criminelle) réalité historique, mais « prendre en considération le fonctionnement réglementé de la répression, c’est accepter de se rapprocher de ces acteurs qui nous ressemblent tant ». Ceux-ci avaient en effet l’impression d’agir normalement, à l’abri (confortable) de règles juridiques pouvant justifier leurs actes.

La bureaucratie, auxiliaire du pire des enfers

Pour reprendre les formules employées par Stéphane Hessel dans la préface à l’ouvrage, la détention au sein des camps de concentration n’était donc pas purement « chao[tique], anarchique et arbitraire », au sens où des règles juridiques précises en organisaient la marche. Cette profusion de règles dans l’enfer concentrationnaire visait à ne laisser la place à aucune spontanéité. Il s’agissait d’obtenir une « efficacité » maximale. En quelque sorte, la bureaucratie était l’auxiliaire du pire des enfers. Elle l’a juridiquement « légitimé » et donc renforcé. Point ici le problème de « la déshumanisation inhérente à toute régulation »…

N. Bertrand livre une enquête scientifique d’excellente facture, qui interroge crument la conscience du lecteur et ébranle nombre de certitudes profondément enracinées dans la culture occidentale. A lire et à relire !

Jean-Paul Fourmont

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Jean-Paul Fourmont
Jean-Paul Fourmont est avocat (DEA de droit des affaires). Il se passionne pour la culture, les livres, les gens et l'humanité. Contact : [email protected]

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