Essais
“La fabuleuse histoire de l’invention de l’écriture”, de Silvia Ferrara : un merveilleux voyage dans les multiples naissances de l’écriture

“La fabuleuse histoire de l’invention de l’écriture”, de Silvia Ferrara : un merveilleux voyage dans les multiples naissances de l’écriture

12 January 2021 | PAR Julia Wahl

Silvia Ferrara est professeure de philologie mycénienne à l’Université de Bologne. Surtout, elle dirige depuis 2018 le programme de recherches européen INSCRIBE (INvention of SCRIpts and their BEginnings), qui œuvre à une approche pluridisciplinaire (anthropologie, archéologie, sciences cognitives…) de ce fascinant mystère qu’est l’invention de l’écriture. Si son livre La fabuleuse histoire de l’invention de l’écriture, publié au Seuil, s’appuie en grande partie sur les travaux menés dans le cadre de ce programme, il adopte une légèreté de ton qui rend son érudition étonnamment accessible.

Une naissance ou des naissances ?

Cette érudition permet de lever quelques malentendus. Le plus important, sans doute, réside dans le pluriel des inventions : au contraire de ce l’on apprenait volontiers à l’école quand nous étions petits, il n’y aurait pas une naissance de l’écriture mais des naissances. Rien, en effet, ne permettrait d’affirmer que la Mésopotamie soit à l’origine de l’écriture chinoise ou maya. Sans doute faut-il décentrer le regard pour sortir du sacro-saint “berceau de l’écriture” qu’encadreraient le Tigre et l’Euphrate.

Un ouvrage magnifiquement illustré

Aussi ce livre est-il avant tout une magnifique invitation au voyage. Orné généreusement de carapaces de tortues imprimées (les premières écritures chinoises) et de peintures rupestres, il se savoure à la manière d’un livre d’art : on se plonge avec délectation dans ces étonnants syllabaires et alphabets avant que d’en lire les informations qui les accompagnent.

Les écritures insulaires

Après ce plaisir de la contemplation, vient celui de la (tentative de) découverte : une escapade en sauts de puces dans les eaux méditerranéennes pour retrouver ce mystère qui nous hantait tant quand nous étions enfants, celui des écritures insulaires : celle de la Crète, bien sûr, avec ses fameux linéaires A et B ; celle de Chypre, ensuite ; enfin, un peu (beaucoup) plus loin, dans les eaux cette fois du Pacifique Sud, la troublante Île de Pâques. Toutes des écritures ô combien mystérieuses, qui résistent encore au déchiffrage. On aurait envie de s’y essayer, nous aussi, et de jouer les Champollion du XXIe siècle, mais la chercheuse nous en conjure : par pitié, si nous avons la solution, ne lui écrivons pas ! Sa boîte mail est pleine de ces mystères faussement résolus.

Entre émotion et rigueur scientifique

Car, et ce n’est pas la moindre des séductions de ce livre, l’autrice y est extrêmement présente. Nouant régulièrement un dialogue avec le lecteur qu’elle alpague volontiers, elle nous fait part de ses expériences, de ses hypothèses et de ses émotions, et rend ainsi l’érudition sensible.

Cette place accordée aux émotions n’empêche nullement la philologue de nous faire part des méthodes qu’elle emploie pour déchiffrer les écritures qui résistent encore à sa sagacité, méthodes à la confluence de la linguistique, de l’anthropologie et de l’ingénierie informatique.

Visuel : couverture du livre

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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