Essais
Alaa El Aswany, Le syndrome de la dictature

Alaa El Aswany, Le syndrome de la dictature

31 July 2020 | PAR Jean-Marie Chamouard

Alaa El Aswany est un romancier Egyptien célèbre. Ardent défenseur de la démocratie et opposant politique, il vit maintenant en exil. Après L’Immeuble Yacoubian et J’ai couru vers le Nil, il « passe au scanner » dans cet essai le fonctionnement, les ressorts et les conséquences sociétales des dictatures.

Pourquoi un dictateur peut il se maintenir si longtemps au pouvoir? Narcissisme, paranoïa, certitude de détenir l’unique vérité et d’être le sauveur de la nation : ces caractéristiques psychologiques sont communes à tous les dictateurs. Mais il reste un homme plutôt seul. Alors pourquoi ? Pour répondre à cette question, Alaa El Aswany débute son essai en citant Etienne de la Boétie et son Discours de la servitude volontaire.

Pour que la dictature perdure, le peuple doit accepter le joug et s’accoutumer à l’autoritarisme. La dictature serait alors une relation maladive entre le chef et son peuple ? L’auteur, qui a exercé le métier de dentiste, analyse le « Syndrome de la dictature » comme un praticien, décortiquant les symptômes principaux. La corruption et le mensonge généralisés d’abord, dont il est si difficile pour un individu de s’extraire. La peur et la répression conduisent à l’émergence du « bon citoyen », uniquement préoccupé par ses intérêts privés et soumis à l’autorité du leader. L’utilisation des théories du complot permet de museler l’opposition et de créer une vérité alternative à la gloire du pouvoir. Le peuple se soumet à cette vérité unique et l’intolérance devient totale vis-à-vis de toute opinion alternative. Les intellectuels sont l’objet du mépris et de la méfiance du régime qui les réprime, les entrave ou les utilise.

L’auteur dresse de manière originale un parallèle entre dictature et terrorisme islamique : tous deux utilisent le fanatisme, la falsification de l’histoire et la déshumanisation des opposants ou des victimes. Il revient ensuite sur les causes psychologiques qui conduisent un homme vers le pouvoir absolu et le désir de gloire. Alaa El Aswany termine son essai en préconisant « un scepticisme salutaire » comme prévention du syndrome de la dictature. « Le syndrome de la dictature » est un essai très bien structuré, son écriture limpide, sa lecture très aisée. A partir du cas de l’Egypte il nous offre une analyse des dictatures qui a une portée universelle. Alaa El Aswany est aussi un grand romancier : son talent donne une fluidité au texte. Sa compréhension est facilitée par les nombreuses notes de l’auteur. Les propos théoriques sont illustrés par des exemples historiques ou tirés de la vie quotidienne égyptienne qui sont très éclairants. Ce livre est la profession de foi d’un militant infatigable de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie. Il fait donc œuvre utile et le lecteur pourra faire sienne cette opinion : une dictature finit toujours mal et il faut en toutes circonstances la rejeter de principe.

Le Syndrome de la dictature

Après le retour à un pouvoir autoritaire en Égypte et l’écriture du roman J’ai couru vers le Nil, consacré aux acteurs de la révolution égyptienne, Alaa El Aswany s’est livré à une réflexion fouillée sur la dictature, qu’il nous expose ici.

Alaa El Aswany, Le syndrome de la dictature, trad.de l’anglais par Gilles Gauthier, Actes Sud, 204 pages, 19,80 Euros, sortie en Juin 2020.

visuel : couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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