
“Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature” de Pierre Assouline
Dans la série des Dictionnaires amoureux, Pierre Assouline propose le Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature, 61ème opus de la série. Auparavant, Pierre Assouline a écrit des biographies magnifiques, comme celle du marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler et des romans tel Lutecia et Le paquebot.
Ces ouvrages ne sont pas des dictionnaires au sens exhaustif du mot. Les auteurs y indiquent leurs goûts sur un thème donné. Ici, Pierre Assouline parle d’écrivains, pas tous (Balzac par exemple n’est pas cité) mais de sujets aussi divers et hétéroclites que les comités de lecture ou la machine à écrire.
Pour répondre au cahier des charges de cette collection, Assouline a fait montre de qualités qui font les hommes brillants.
De l’audace
Il en a fallu pour que le premier écrivain cité soit A.D.G. Dans un cénacle de gauche et qui méprise souvent le genre policier, Assouline se fait le chantre d’un auteur de polars très à droite sur l’échiquier politique. Et la raison est simple : A.D.G a du talent. Faisant un pied de nez aux précieux, il dit du bien aussi de Patrick Manchette et même de Frédéric Dard.
Pierre Assouline n’hésite pas non plus à vanter les qualités d’un auteur méconnu. Il s’agit du breton Louis Guilloux, originaire de Saint-Brieuc. Son “magnifique” roman, Le sang noir, est l’évocation des horreurs de la première guerre mondiale et de son lot de mutineries.
Last but not least, il ose même honorer le Général de Gaulle. Ainsi, il qualifie cet homme politique d’écrivain encore plus grand que Winston Churchill. Il le trouve « racinien en privé mais cornélien en public ».
De l’insolence
Pierre Assouline s’attaque à des monstres sacrés et aux vaches rousses de la littérature française. Il a des mots peu amènes sur l’Académie française, sur les amitiés littéraires ou sur l’interview d’écrivains.
Ses propos sont caustiques sans être méchants, jouissifs sans être racoleurs.
De l’humour
Il agrémente les pages du dictionnaire, par petites touches. Les intitulés suivants des chapitres en donnent la tonalité :
Argent : « C’est bien connu, les écrivains n’en ont pas besoin. Ils sont au-dessus de ça ».
Patrick Modiano : « Disons simplement que Modiano est un écrivain tel qu’Oscar Wilde l’avait défini : quelqu’un qui passe ses matinées à mettre une virgule, et ses après-midi à l’enlever ».
Ou encore Traducteur : « Ne jamais oublier en lisant le roman d’un étranger qu’aucun des mots n’est de lui, tous sont du traducteur ».
De l’érudition
Même si, et c’est le principe des dictionnaires amoureux, Assouline a une perception fine des écrivains et du monde du livre.
La palette est large et l’auteur ne fait pas le choix d’un courant littéraire par rapport à un autre. Il fait le choix des livres (et des écrivains) qui remplissent sa vie : Aragon, Camus, Duras, Robbe-Grillet, Le Carré, Updike…
Ainsi, le lecteur se délecte de ce dictionnaire. Le travail de l’auteur n’apparait qu’au second plan, loin derrière le brio de l’artiste.
Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature est un concentré d’intelligence dans un livre de 900 pages. Ni plus ni moins.
Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature. Éditions Plon. 8 septembre 2022. 896 pages. 10 €.