BD
Déracinée. Soledad et sa famille d’accueil de Tiffanie Vande Ghinste

Déracinée. Soledad et sa famille d’accueil de Tiffanie Vande Ghinste

11 December 2022 | PAR Katia Bayer

La couleur et la douceur sont toujours bonnes à prendre. L’éditeur La Boîte à Bulles y croit puisqu’il a fait le pari de publier Déracinée. Soledad et sa famille d’accueil, un joli récit BD inspiré de la vie de l’auteure, Tiffanie Vande Ghinste, dont la famille a intégré en son sein des enfants d’accueil, en Belgique.

Le récit commence avec la fiction (un dessin) et se termine avec la réalité (une photo). Entre les deux, Tiffanie Vande Ghinste raconte une histoire qu’elle connaît bien : le sort d’enfants, placés dans des familles d’accueil, dès leur plus jeune âge, apprenant à se construire, à créer des liens, à faire confiance, à aimer et à être aimés. Ces enfants placés par la justice et accueillis bénévolement par des familles, sont en perte de repères, ayant été abandonnés par leurs parents biologiques.

Dans son roman graphique, Tiffanie Vande Ghinste prend un double fictionnel : Billie. Etudiante en médecine à Bruxelles en 2012, Billie a 5 frères et soeurs : Lou, Gabriel, Axel, mais aussi 2 soeurs d’accueil, Soledad, dont l’histoire nous est contée, et Noa (qui ne parle toujours pas à l’âge de 3 ans).

Si Billie a choisi d’étudier la médecine, c’est pour soigner les autres, leur venir en aide. Sauf qu’elle a le sentiment de se déshumaniser en apprenant le métier et à mettre de côté ses émotions. Un jour, elle quitte la ville pour rentrer chez elle, à la campagne suite à un appel de sa mère lui annonçant que Soledad est retournée vivre avec sa mère sur décision de la juge. Billie retrouve les siens, l’affection, l’humour, mais aussi l’absence de Soledad qui ne tardera pas à revenir, fragilisée, s’isolant, souffrant, cherchant sa place dans sa famille et à combler ses manques affectifs.

Dans la maison et le jardin familial, chacun fait sa vie, cuisine, lit, jardine, invente, s’occupe. Chaque jour est différent, entre disputes, solidarité, repas, observation de la nature, plongeons dans la rivière.

Il y a de la couleur, de la poésie et même de la malice dans Déracinée. Cela va des drôles de lunettes de Billie au pied de Soledad qui dépasse d’un arbre, à l’humour du petit frère Axel, en passant par les 3 assistantes sociales qui se ressemblent comme 3 gouttes d’eau. Au fil des pages, on sent un amour, une tendresse infinie entre les êtres, entre les parents et entre les enfants.

Là où le livre nous intéresse particulièrement, c’est qu’il parle d’un sujet qu’on connaît peu, que ce soit du côté de l’enfant qui souffre, qui cherche sa place entre ses 2 familles, mais aussi du côté de l’entourage, qui ne sait pas toujours comment réagir face aux problèmes de ces enfants fragilisés car laissés de côté dès leur plus jeune âge.

Soledad va-t’elle rester dans un désarroi émotionnel toute sa vie ?, se demande Billie. On ne le sait pas, on l’imagine. Quelle est finalement la place de chacun dans cette cellule familiale où les repères sont là, où chacun a son indépendance, où les liens sont forts, mais soumis aux épreuves du regard de la justice et de la société ?

Le livre pointe la solitude des parents à l’ère où internet n’était pas développé, où leurs paroles, faits et gestes étaient fliqués, où leurs comportements n’étaient jamais assez bien pour des personnes extérieures à la famille, où chacun devait faire face, entre pression et absence de soutien.

On aime particulièrement la délicatesse de l’auteure face à certaines situations : le lien naturel entre Soledad (qui veut dire « solitude » en espagnol) et Noa, les élans d’amour des parents à l’égard de leurs enfants, la place de chacun dans l’arbre de la couverture, que ce soit en hauteur, dans les branches ou au sol, aux racines.

A une époque où il est bien difficile de se lier les uns aux autres, où les contacts se tarissent avec l’âge, il est réconfortant de lire cette déclaration d’amour d’une jeune auteure aux siens et particulièrement à sa sœur de cœur. Tiffanie Vande Ghinste a raison de ne pas faire de différence entre les êtres, de centrer son ouvrage sur la vie et de prouver que chaque individu n’est pas défini par les conditions de sa naissance.

Déracinée. Soledad et sa famille d’accueil de Tiffanie Vande Ghinste. Edition : La Boîte à Bulles, 20 €

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Katia Bayer

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