Livres
« Délivrance » de James Dickey : retour à la nature sauvage et réveil de la bestialité des hommes… un livre culte en format poche!

« Délivrance » de James Dickey : retour à la nature sauvage et réveil de la bestialité des hommes… un livre culte en format poche!

16 May 2015 | PAR Le Barbu

Pour certains, Délivrance est le film de John Boorman sorti dans les salles de cinéma en octobre 1972, et nominé pour l’Oscar du meilleur film en 1973. Ce film avait profondément marqué toute une génération, et certaines images résiduelles nous hantent encore. Le duel banjo-guitare est devenu une scène culte, autant que le fameux «squeal like a pig »… Délivrance est surtout un roman de James Dickey publié en 1971 par Fammarion et qui obtient le prix Médicis. Depuis le mois de mai les lecteurs peuvent découvrir ou redécouvrir sa réédition en format poche aux éditions Gallmeister dans la collection Totem.

 

poche og1

[rating=5]

Avant que la rivière reliant la petite ville d’Oree à celle d’Aintry ne disparaisse sous un immense lac artificiel, quatre trentenaires décident de s’offrir une virée en canoë pour tromper l’ennui de leur vie citadine. Gagnés par l’enthousiasme du charismatique Lewis et bien que peu expérimentés, Bobby, Ed et Drew se laissent emporter au gré du courant et des rapides, au cœur des paysages somptueux de Géorgie. Mais la nature sauvage est un cadre où la bestialité des hommes se réveille. Une mauvaise rencontre et l’expédition se transforme en cauchemar : les quatre amis comprennent vite qu’ils ont pénétré dans un monde où les lois n’ont pas cours. Dès lors, une seule règle demeure : survivre.

Derrière son étiquette de roman d’aventure, au demeurant bien ficelé, beaucoup de lecteurs et cinéphiles amateurs ou journalistes ont décelé, à travers cet ouvrage, une critique de l’Amérique puritaine ou de la guerre du Vietnam. Michael Cimino s’en inspirera d’ailleurs ouvertement pour son « Voyage au bout de l’enfer », l’un des premiers films traitant du traumatisme de la guerre du Vietnam, en 1978. Le roman est découpé en 3 parties : Avant, Pendant (14 septembre, 15 septembre, 16 septembre), Après. Les personnages ont chacun des personnalités qui préfigurent leur rôle au sein du drame. Lewis est incontestablement le meneur du groupe. Ed, qui est le narrateur de l’histoire, est celui qui va subir la transformation la plus radicale, comme un serpent qui fait sa mue et se dégage d’une peau devenue trop étroite. Drew et Bobby occupent les rôles des sacrifiés, de ceux qui, on le sait dès le départ, nous font dire : « lui, il va mourir… ».

Malgré la toute beauté de la nature sauvage, l’ambiance de Délivrance est malsaine. La campagne profonde américaine pue la consanguinité. Les lois fédérales n’atteignent pas ces contrées trop lointaines, bastions de puritanisme de communautés isolées qui ne parlent pas la même langue que leurs concitoyens qui ne sont de toute façon que des étrangers.

Le rythme de ce roman est à l’image du « dueling banjo ». Ce qui au départ était une balade tranquille entre mecs au cœur de la nature sauvage se transforme rapidement et frénétiquement en cauchemar. Pendant les 100 premières pages on attend, en apnée, cette rencontre, cette scène qui fait littéralement basculer le roman dans l’horreur. Au début on s’émerveille des descriptions d’une nature qui va disparaitre, de ces moments d’émerveillements, de communion, de retour à un état originel où l’homme est un chasseur et doit affronter l’hostilité des éléments. Ensuite, tout n’est qu’angoisse. Cette même nature devient le théâtre d’un spectacle insoutenable qui vous vrille les boyaux. L’autochtone est brutal et consanguin. Le citadin en week-end, qui n’est là que pour passer un moment sympa dégagé des responsabilités familiales et des soucis du boulot, va devoir découvrir le monstre qu’est l’homme et la bête qui sommeille en chacun de nous.

Un retour à la nature qui révèle notre origine animale où il faut savoir tuer pour survivre.

« Voici la fin. Nous n’avons qu’une seule chose à faire, mais il faut la faire comme il faut. Tout est là. Tout l’édifice repose là-dessus. »

Un livre culte à lire absolument car fondateur d’un véritable style à la croisée du roman d’aventure, du thriller et de l’horreur.

Titre : Délivrance / Auteur : James Dickey / Traducteur : Jacques Mailhos / Editeur : Gallmeister, Paris, France / Prix : 11 € / Date de sortie : mai 2015

« Pukhtu. Primo » de DOA : à l’ombre du monde
Cannes, jour 3 : un Lobster grinçant, rencontre avec Jacques Attali, Desplechin à la Quinzaine et Gus van Sant en compétition
Avatar photo
Le Barbu
Le Barbu voit le jour à Avignon. Après une formation d'historien-épigraphiste il devient professeur d'histoire-géogaphie. Parallèlement il professionnalise sa passion pour la musique. Il est dj-producteur-organisateur et résident permanent du Batofar et de l'Alimentation Générale. Issu de la culture "Block Party Afro Américaine", Le Barbu, sous le pseudo de Mosca Verde, a retourné les dancefloors de nombreuses salles parisiennes, ainsi qu'en France et en Europe. Il est un des spécialistes français du Moombahton et de Globalbass. Actuellement il travaille sur un projet rock-folk avec sa compagne, et poursuit quelques travaux d'écriture. Il a rejoint la rédaction de TLC à l'automne 2012 en tant que chroniqueur musique-société-littérature.

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration