
“Si le vent tombe” sublime les montagnes du Haut-Karabagh
La réouverture des cinémas est l’occasion de découvrir Si le vent tombe, le premier long-métrage de Nora Martirosyan. Un film qui fut en Sélection officielle et en sélection ACID lors de l’édition 2020 du festival de Cannes.
A la recherche d’une ouverture sur le monde
Alain a pour mission de rendre un rapport sur la viabilité de l’aéroport que les autorités du Haut-Karabagh souhaitent ouvrir. Un aéroport qui serait pour ce petit État, introuvable sur un planisphère, un premier pas vers la reconnaissance internationale. Car, s’il est introuvable sur une carte, c’est qu’il n’a actuellement aucun statut officiel : rares sont les pays du monde qui reconnaissent son existence, et aucun membre de l’ONU. Aussi l’ouverture de cet aéroport aurait-elle le mérite de donner à cette république autoproclamée une visibilité internationale.
Au cœur d’un dilemme
Mais Alain ne peut que constater les difficultés que son ouverture poserait : un terrain peu sécurisé (on y entre comme dans un moulin), une frontière trop proche, des difficultés à faire face à des vents trop forts. Les habitants du Haut-Karabagh auront donc à cœur de lui faire éprouver la charge symbolique qu’aurait un tel aéroport, dans un pays qui porte encore les stigmates de la Guerre des Quatre jours, qui l’opposa, en 2016, à l’Azerbaïdhan1. C’est donc le personnage d’Alain que le spectateur suivra, avec la question suivante : cet auditeur international, un rien austère et raide comme la Justice, se laissera-t-il séduire par ses nouveaux compagnons ? La reconnaissance de ce pays oublié vaudra-t-elle plus que la sécurité du transport aérien ?
Un hommage aux montagnes du Haut-Karabagh
Grégoire Colin, qui joue Alain, nous fait sentir avec justesse l’évolution de ce personnage, qui se lie progressivement d’amitié avec ceux qui l’entourent. C’est toutefois la précision avec laquelle la caméra filme les montagnes du Haut-Karabagh que l’on retiendra : de larges plans qui rendent hommage à leur majesté, de lents travellings qui aimantent le regard. Des montagnes sauvages qui contrastent étonnamment avec la modernité de l’aéroport. Et c’est peut-être là la gageure relevée par la réalisatrice : rendre compte de ce tiraillement entre nature et technique, entre modernité et tradition.
Visuel : affiche du film
1 : Il y eut depuis le tournage une nouvelle guerre, en 2020, qui l’opposa à nouveau à l’Azerbaïdjan, qui refuse de reconnaitre son existence.