Mon voisin mon tueur, un documentaire terrible et passionnant sur la réconciliation des années 2000 au Rwanda
Avec “Mon Voisin Mon tueur”, la réalisatrice et journaliste Anne Aghion poursuit son travail documentaire qui lui avait valu en 2005 un Emmy Award pour “Au Rwanda on dit…La famille qui ne parle pas meurt”. Présenté dans la sélection officielle du festival de Cannes en 2009, et tourné sur 10 ans, “Mon voisin Mon tueur” saisit sur une même colline les réactions des Tutsis survivants lorsqu’ en 2001, les hommes qui ont massacré leurs familles et ont avoué leurs crimes sont libérés. Ces derniers reviennent vivre là où ils ont assassiné et la réconciliation est au cœur de ce film saisissant. Sortie dvd le 24 mai chez Momento!
Sept ans après le génocide Rwandais, en 2001, les Hutus qui ont assassiné leurs voisins et qui ont admis leurs crimes sont libérés. Des tribunaux populaires sont alors instaurés dans chaque localité : les Gacaca. Les survivants Tutsis peuvent y décrire la mort des leurs, et rappeler devant leur bourreaux ce qui s’est passé. Ce tribunal peut, le cas échéant, et une fois les preuves administrées, prolonger la peine de prison des Hutus génocidaires. Mais les Gacaca sont surtout l’occasion de parler de ce qui s’est passé, afin de poser les bases d’une coexistence possible. Anne Aghion a suivi une même colline Rwandaise depuis l’instauration des Gacaca jusqu’à l’aube des années 2010. Faisant à la fois parler victimes et bourreaux, et les laissant évoquer leurs souvenirs du génocide, ainsi que la peur et l’impossibilité de vivre à nouveau avec un voisin qui a assassiné vos propres enfants, la réalisatrice montre à quel point la coexistence pourtant impossible parvient tout de même à se mettre en place.
Le plus saisissant, dans “Mon Voisin Mon tueur” est le caractère placide du décor ensoleillé : la vie de village a repris, d’autres enfants sont nés, et un grand soleil baigne le paysage de couleurs fortes et rassurantes. Mais dans leurs grands tissus colorés, les mères auxquelles on a arraché les bébés qu’elles portaient sur leur dos, et qui ont vu leurs maris et leurs enfants massacrés devant leurs yeux témoignent avec douleur et horreur de ce passé inimaginable. Dans leurs yeux et leur voix, la mort pèse encore, comme si elles n’avaient pas vraiment survécu à la mort des leurs. Le film est d’autant plus passionnant qu’il ne dénonce rien, et ne tente pas de démontrer un propos ; Anne Aghion se place au plus près des témoins des deux bords pour tenter de capter leurs sentiments sur une nouvelle coexistence à la fois nécessaire et impossible. Et le plus troublant, c’est que cette coexistence ne semble pas reposer sur un espoir de pardon, mais plutôt sur une espèce de résignation des victimes, s’excusant presque d’être encore là et ne voyant pas vers qui se tourner pour exprimer leur colère de voir revenir leurs anciens voisins tueurs.
le coffret Dvd chez Momento! sort avec un livret comprenant des textes de la réalisatrice, de l’historien Jean-Noël Jeanneney, d’Assumpta Mugiraneza, et du juriste Pierre Vincke.
“Mon voisin, Mon tueur”, d’Anne Aghion, 2009, 80 min, VOST (Kinyarwanda sous-titré Français ou Anglais), Momento !, 29.90 euros. Sortie le 24 mai 2011 en grande distribution (FNAC).
Bon plan :Le documentaire est en pré-vente au prix de 24€ sur les sites www.gacacafilms.com/francais.html et www.momento-films.com
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