
Méduse, huis-clos empli d’air et de vie
Cette mystérieuse intrigue qui met face-à-face deux sœurs, confrontées en profondeur à leurs blessures, parvient à ne pas être gratuite ou vaine.
Dans la maison qui appartenait à sa grand-mère, Romane vit avec Clémence sa sœur. La bâtisse au design moderne avec piscine où elles habitent est tantôt chaleureuse, tantôt remplie par un vide sourd et une sorte d’angoisse diffuse, en plus de se situer un peu loin de tout. Leur père faisait des affaires louches. Leur mère est morte elle aussi, dans un grave accident de voiture. C’est ce dernier qui a rendu Clémence muette et lui a donné des difficultés pour se déplacer.
Suggestion
Plutôt que trop en dire et souligner à outrance, la réalisatrice Sophie Levy – également autrice ici du scénario, et monteuse – préfère demeurer dans l’enceinte où elle a planté le décor de son histoire et semé des éléments mystérieux. Ces derniers, distillés avec parcimonie, suffisent à faire plonger dans une atmosphère qui pique l’attention : on la sent bien chargée en drame et en secrets tristes, tendue, prête à subir de petits éclatements. Vient s’ajouter à ce climat trouble, où flottent des blessures non réparées, le jeu imprévisible d’Anamaria Vartolomei. Composant le personnage de Clémence, qui ne parle plus, plutôt sur un registre sobre et timide quoiqu’assez enjoué aussi, elle devient fascinante lorsqu’elle fait surgir d’elle des réactions inattendues, pas immédiatement compréhensibles. On se demande alors si elle est innocente ou bien maîtresse du jeu, face aux autres protagonistes.
Au premier rang de ces derniers, on trouve Guillaume, pompier dont s’éprend Romane, incarné par Arnaud Valois. La bonne idée de la réalisatrice est de mettre en valeur son corps d’une manière pas gratuite. En fin de compte, sa présence physique musclée et solide s’affronte avec celle de Clémence, mal assurée depuis le très grave accident qu’elle a subi. Au sein du scénario, Guillaume est le personnage qui se trouve catapulté dans l’intimité familiale compliquée partagée par les deux soeurs. D’abord démuni face à Clémence, il se met à l’apprivoiser, jusqu’à bientôt lui permettre d’émettre à nouveau des sons.
Cellule familiale très énigmatique
Les événements qui surviennent dans l’intrigue amènent Romane à devenir jalouse, et à vouloir partir pour une nouvelle vie loin de Clémence, avec Guillaume. Roxane Mesquida prête à cette figure un peu torturée sa puissante présence. En fin de compte cependant, le film choisit de littéralement laisser ses protagonistes enfermés dans la maison où il se déroule. Il prend le parti de demeurer flottant, de renoncer à certains endroits de choisir, de couper net. Ce faisant, il prend des chemins qui semblent cohérents et intéressants : il touche et donne à toucher du doigt des aspects pas si déjà-vu dans le rapport entre ces deux sœurs, au final. Avec à la première place, la nature compliquée donc insaisissable donc flottante de leur relation. Un rapport peut-être sans issue, peut-être éternel, peut-être beau aussi.
Baignant dans la photographie claire-obscure, aux gris à la fois tristes et enveloppants de Nicolas Desaintquentin, le long-métrage parvient en fin de compte, sans insister, à faire surgir les questionnements dont il semble porteur. Ceux-ci paraissent émerger de la vie qui court au long de ses images, et qui résulte de l’intelligence avec laquelle sont agencés les matériaux cinématographiques qui le composent.
Distribué par Wayna Pitch, et produit par Franck Annese notamment, Méduse sortira dans les salles de cinéma françaises le 26 octobre.
Visuel 1 : Anamaria Vartolomei dans Méduse © Sophie Levy
Visuel 2 : Roxane Mesquida dans Méduse © Ph. Lebruman