Cinema
Laurent Callonnec nous parle des “Regards Satellites” des Journées cinématographiques

Laurent Callonnec nous parle des “Regards Satellites” des Journées cinématographiques

18 January 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Laurent Callonnec est directeur et programmateur du Cinéma l’Écran de Saint-Denis. Il nous parle de la prochaine édition des Journées cinématographiques qui auront lieu du 2 au 11 février dans quatre cinémas du 93 : l’écran, le studio, l’étoile et l’espace 1789.

Lors de la précédente édition, la programmation des Journées cinématographiques s’était articulée autour de la mise en scène du politique au cinéma, dans le contexte des élections présidentielles. Pouvez-vous nous dire quel est le fil conducteur de cette 23ème édition et comment s’est fait ce choix ?

Le fil conducteur s’est construit autour d’une discussion avec Laurence Reymond, Vincent Poli : je pense que nous avions depuis 22 ans abordé de nombreux sujets, et qu’il nous fallait peut-être nous concentrer sur la substance, la colonne vertébrale des Journées cinématographiques. Les éditions précédentes ont cherché à démontrer que les marges du cinéma portées par les auteurs et les autrices les plus audacieux et audacieuses ont toujours porté un regard impertinent sur notre société. Et l’impertinence est en perpétuelle évolution, il est aujourd’hui porté par exemple par La cinémathèque idéale des banlieues du monde. Nous voulions à travers cette idée des « Regards Satellites » composer un patchwork de sensibilité qui font des périphéries, pas seulement dans le sens urbain du terme, le centre de leurs créations ou de leurs réflexions. Cela faisait sens aussi dans une ville de « banlieue » qui candidate à la capitale de la culture européenne de devenir l’agora de ces nouveaux regards sur le monde et la société.

En parcourant la programmation, on remarque la diversité des intervenant.e.s. Même s’il y a une majorité de cinéastes, plusieurs invité.e.s sont journalistes ou photographes, diffuseurs ou plasticiens, auteur.e.s de bande dessinée ou de dessin de presse, … Pourquoi avez-vous tenu à construire une programmation pluridisciplinaire ? Qu’apporte ce mélange des disciplines et des artistes ?

Je crois que la réponse est déjà en partie dans le projet évoqué plus haut. Nous voulions créer une constellation de regards différents, qui ont en commun un centre, le cinéma, et comment ils l’abordent, car, pardonnez-moi cette banalité, la création cinématographique n’a pas le même usage, le même sens selon qu’on l’aborde dans le champs esthétique, sociologique, politique. Montrer cette diversité, cette transversalité nous semble aujourd’hui importante dans les discussions enflammées qui ont occupé l’actualité autour des films ces dernières années.

Ces journées cinématographiques cherchent à proposer des regards dissidents, des points de vue « satellites », qui se veulent à contre-courant des habitudes du cinéma. Comment est-il possible de concurrencer le regard dominant selon vous ? Comment multiplier les angles de vue pour élargir la focale des productions cinématographiques actuelles ?

L’avantage d’un festival, c’est qu’il constitue une ponctuation, un moment tel un instantané dans le bouillonnement permanent de l’actualité de l’exploitation cinématographique. On invite nos spectateurs à faire une pause, à regarder pendant 10 jours des films, parfois difficiles à trouver, dont la place dans notre programmation est portée par le souhait qu’ils feront sens pour eux. Pour ce qui est de concurrencer le regard dominant, et bien on ne le concurrence pas, c’est son terrain de prédilection, on l’érode petit à petit, à travers nous l’espérons ce festival, et bien d’autres actions portées ici et là par d’autres acteurs que nous.

Votre invité d’honneur est Ken Loach, réalisateur britannique, récompensé au Festival de Cannes par deux Palmes d’Or pour ses films Le vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016. Ses mises en scène de la misère et des conflits sociaux témoignent de son engagement politique, suscitant régulièrement de vives réactions au Royaume-Uni. En quoi son œuvre militante et engagée incarne-t-elle l’esprit de votre programmation ?

Avoir Ken Loach pendant notre festival est un immense honneur. Il est depuis près de 60 ans le cinéaste qui est de manière indéfectible le héraut des luttes sociales, et des multiples méfaits du capitalisme sur le vivre ensemble. Il a toujours défendu la marge contre le système, et reste fidèle à ses convictions.

J’espère que notre festival continuera à porter ces qualités de constance et de probité dans l’engagement.

Au terme de ces 10 journées de projections, de débats et de rencontre, que souhaitez-vous qu’en retienne le public ? Y a-t-il des thématiques, des réflexions, des impressions que vous aimeriez susciter chez les spectateurs ?

J’espère déjà tout simplement qu’ils trouveront le plaisir d’avoir partagé un moment ensemble, devant le cinéma dans « sa grandeur nature » comme le dit si bien notre ami Olivier Darné, celui aussi de se faire chahuter, de découvrir de nouveaux regards, et d’autres plus ancien mais toujours brulants d’actualité. Il y a tellement de choses à voir dans cette édition, mais je vais recommander, parce qu’ils sont méconnus en France, de découvrir les deux perles du cinéma brésilien proposé par le dessinateur Marcello Quintanilha : Bye Bye Brasil et Lucio Flavio.

Tout le programme du festival est ici.

Visuel : affiche

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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