
Cannes 2020, Sélection ACID : “Les Affluents”, balade kaléidoscopique très convaincante en plein Cambodge actuel
Réalisé par Jessé Miceli, ce film aux couleurs solaires suit trois jeunes contraints à “foncer” dans la capitale cambodgienne de nos jours. Les rythmes de leurs vies, très différents, et la structure fragmentée du récit, suffisent à transporter.
Tous trois pressés par des motifs d’argent, Thy, Phearum et Songsa affrontent la réalité professionnelle, économique et sociale de leur pays, le Cambodge, à l’heure actuelle. Issus de milieux pauvres, ils se doivent de “foncer”, quitte à se heurter à des limites. Pourtant, leurs parcours guère aisés n’impriment pas au final aux Affluents un rythme unique, électrique et survolté. Non : la réalisation de Jessé Miceli reste attachée aux détails et aux faits, enregistrés à hauteur totalement humaine sous une lumière guère noircie, assez solaire, et ce faisant, les scènes épousent les rythmes de vie, différents, des trois protagonistes. Et le film n’apparaît pas tant au final comme une suite de scènes réalistes composant un portrait du Cambodge actuel, que comme une peinture de l’énergie déployée par ses habitants, pour y vivre, et y faire vivre ceux à qui ils sont liés.
Débutant un travail dans un bar, Thy laisse deviner son corps, dans le but d’être attirant, mais c’est son visage et ses yeux sans cesse aux aguets qui marquent, et donnent à sentir les dangers qui le menacent, alors qu’il s’engage dans le monde de la quasi prostitution. Conduisant vaille que vaille son taxi, Phearum, lui, se révèle touchant lorsqu’il est obligé de rester passif, face à plus riche que lui, devant deux touristes peu respectueuses notamment. Quant au jeune Songsa, maladroit, effacé et victime d’un vol très grave, il se découvre par hasard une passion inattendue, en atterrissant dans une toute petite salle de concert. En donnant à voir, au fil d’un scénario semé d’éléments documentaires, faisant se croiser ces destins, des situations très simples, pas appuyées par des procédés de mise en scène mais décrites de façon réaliste au fil de séquences suffisamment longues, le film rend ses personnages marquants, uniques et originaux.
Un réalisme qui n’oublie pas les rêves
Figurant parmi les productions choisies par treize cinéastes pour composer la sélection “Cannes 2020” de l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), dévoilée au public en avant-première des sorties salles fin septembre, début octobre et début novembre dans plusieurs villes de France, Les Affluents évite au final, également, tout misérabilisme ou ton alarmiste : bien que ses trois héros restent des laissés-pour-compte se cognant aux changements économiques du Cambodge actuel, le film se permet des instants suspendus, comme enveloppés dans une atmosphère à part, flottante et vectrice d’un sentiment de rêve. Comme si ses jeunes protagonistes se permettaient, malgré leurs situations pas simples, d’encore s’offrir des instants de rêvasserie, parfois imprégnées par des envies d’ascension sociale, parfois totalement déconnectées, à la façon des phases planantes vécues par Songsa, qui se découvre une passion et l’envie d’un destin plus éloigné de la course à la richesse et à la subsistance dans un monde en pleine mutation économique que d’autres.
Au final, le film propose des aboutissements, un peu éloignés de la grande ville, à ces parcours qu’il décrit. Il laisse son spectateur sur une note positive et euphorique, assurant que des voies personnelles peuvent encore se tracer, au sein de cette réalité soumise aux changements économiques mondiaux. Sa phase d’épilogue apparaît universelle, mais aussi imprégnée par un style original, baignant une bonne part du film : une atmosphère réaliste, finement emmenée vers une bulle de légèreté solaire, qui n’élude pas la dureté des situations décrites, mais fait ressortir les caractères, frondeurs à leur manière, des personnages décrits.
Les Affluents est à revoir en avant-première à Paris le mardi 29 septembre à 18h30 (au Louxor).
Les films de la sélection “ACID Cannes 2020” sont à voir avant leurs sorties dans les salles françaises à Paris du 25 au 29 septembre (au Louxor), à Montreuil du 30 septembre au 2 octobre (au Méliès), à Malakoff du 1er au 5 octobre (au Marcel Pagnol), à Lyon du 2 au 4 octobre (au Comoedia), à Marseille du 8 au 11 octobre (à la Baleine / au Gyptis), à Porto-Vecchio du 10 au 13 novembre (à la Cinémathèque de Corse). Puis à Belgrade, du 20 au 29 novembre, dans le cadre du Festival du Film d’auteur.
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Visuels : © Perspective Films / Horoma Films