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Cannes 2019, Jour 8 : quatre heures de Lav Diaz, Bedos touchant, pépite ukrainienne et Salim Kechiouche en interview

Cannes 2019, Jour 8 : quatre heures de Lav Diaz, Bedos touchant, pépite ukrainienne et Salim Kechiouche en interview

23 May 2019 | PAR La Rédaction

Ce mercredi 22 mai était la dernière journée de compétition cannoise pour les sections parallèles de la Quinzaine des Réalisateurs et de la Semaine de la Critique…

La journée a commencé par de beaux frissons à 8h45 à la Quinzaine des réalisateurs avec Wounds, du londonien Babak Anvari. Un film d’ambiance et de sortilèges qui se passe à la Nouvelle Orléans. Will (Armie Hammer) est un barman anticonformiste et assez alcoolique. Un portable laissé par des jeunes après une rixe dans son bar, le Rosie’s, ouvre sur une galaxie qui le met en danger avec sa compagne (jouée par la jolie Dakota Johnson, toute boudeuse). Film de genre assumé, Wounds parvient très agréablement à camper des personnages mais l’intrigue qui terrorise est trop filandreuse et absurde pour qu’on ait vraiment peur et envie de savoir ce que ces sympathiques personnages deviennent. Dommage.

A 9h, nous avons fait le pari de découvrir l’un des films de fiction à grands moyens présentés Hors Compétition à Cannes cette année : La Belle Epoque. Deuxième film réalisé par Nicolas Bedos (après Monsieur & Madame Adelman), il imagine une entreprise qui reproduit, pour ses clients, des scènes du passé de façon ultra précise, qu’ils peuvent vivre comme interprètes. Des séquences peuvent aussi être celles de leur propre passé… Contre toute attente, le film s’avère sensible et sincère, ainsi que très maîtrisé techniquement. Avec à son casting, Daniel Auteuil en semi-cynique désirant remonter le temps, Fanny Ardant, Denis Podalydès, et Guillaume Canet (de mieux en mieux en tant qu’acteur) en chef d’entreprise passionné et nerveux et en pleine histoire orageuse avec Doria Tillier.

À 11h, nous avions rendez-vous avec Evge, le premier long-métrage du réalisateur ukrainien Nariman Aliev, présenté dans la sélection Un Certain Regard. Abordant la question de l’annexion de la Crimée par la Russie, ce film retrace l’histoire de Mustapha, un tatar de Crimée, qui décide de transporter, avec l’aide de son jeune frère, le corps de son fils aîné, tué durant le conflit, pour l’enterrer sur sa terre natale. Porté par un très beau duo d’acteurs, Nariman Aliev nous immerge dans cette culture assez méconnue qui met en avant, notamment, les valeurs familiales et l’amour de la patrie. Pour un premier film, le résultat est saisissant.

A 14h45, Toutelaculture a osé se rendre à la projection à la Quinzaine des réalisateurs de Halt, le nouveau film du réalisateur philippin Lav Diav : 4h39, soit tout un après-midi sous les rayons du soleil troqué pour un film en noir et blanc dans lequel il pleut sans arrêt. En 2034, après une gigantesque éruption volcanique qui empêche le Soleil de poser ses rayons sur la Terre, une dictature s’est emparée du pays : la lesbienne cheffe de l’armée applique à la lettre les ordres du président autoproclamé, qui se prend pour Dieu. Un long cauchemar auquel la plupart des festivaliers n’a pas eu la force d’assister jusqu’au bout. A 19h30, quand le générique de fin défile enfin, la moitié du théâtre de la Croisette s’est vidée. Mais le film est un chef d’oeuvre.

Vers 15h, sur la Plage du Majestic, nous avons eu la grande chance de pouvoir, en partenariat avec l’EICAR, interviewer l’acteur Salim Kechiouche, interprète du rôle de Tony, cousin du héros, dans le film-fleuve en plusieurs parties Mektoub my love. Sans trop spoiler son rôle dans la deuxième partie, Intermezzo, présenté sous peu dans la Compétition 2019, il a évoqué sa manière de travailler avec les réalisateurs (pointus et doués) auxquels il se confronte, et son intérêt pour les véritables rencontres artistiques.

A 19h, la Compétition nous a offert l’un de ses titres très attendus : Roubaix, une lumière, le nouveau film d’Arnaud Desplechin. De manière étonnante, le désormais célèbre réalisateur français signe un film plus sombre que ses précédents travaux, sec et carré dans ses plans. Deux policiers exerçant à Roubaix (Antoine Reinartz, révélé par 120 battements par minute, et Roschdy Zem, l’un des plus grands acteurs français) y confrontent, lors d’interrogatoires précis et de scènes de reconstitution minutieuses bordées par leurs collègues, deux jeunes femmes de la ville très égarées (Sara Forestier et Léa Seydoux) sur un acte dramatique qu’elles ont peut-être commis. Magnifiques acteurs et actrices, et réalisation toujours maîtrisée : pas un très grand Arnaud Desplechin, pas l’un de ses films les plus amples, mais une tentative vraiment belle et profonde.

Quoi de mieux, ensuite, que d’enchaîner sur un film épuré de la section Un certain regard afin de diversifier les points de vue et les… regards, justement ? Viendra le feu d’Oliver Laxe (réalisateur franco-espagnol, remarqué à la Semaine de la Critique 2016 pour Mimosas, la Voie de l’Atlas, qui remporta le Grand Prix Nespresso) a bien pourvu à cette mission : récit conduit avec beaucoup d’épure et de maîtrise, il s’attache à Amador, mystérieux pyromane des montagnes de la Galice, chez qui simplicité et violence sourde cohabitent. Un point de vue, un récit original : le bonheur pour les cinéphiles.

En guise de point d’orgue pour cette journée, nous avons pu nous rendre à la fête donnée pour le film Roubaix, Une lumière, présenté en Compétition pour la Palme d’or. Sous un temps idéal, la Plage Magnum a accueilli Roschdy Zem, Sara Forestier, Antoine Reinartz et le réalisateur Arnaud Desplechin, ainsi que ses collaborateurs techniques et certains acteurs de ses précédents films : Emmanuelle Devos, Hippolyte Girardot… Piste de danse immense et système son à toute épreuve, espace sableux avec le bon air de la mer toute proche, et une vue sur une Croisette enfin calme : cette soirée avait de nombreux atouts charmeurs, parmi lesquels, en prime, les célèbres glaces Magnum à composer sur mesure, offerts à l’un des comptoirs. Parmi les ingrédients à saupoudrer sur cette glace recouverte de coulis : pétale de rose, billes croustillantes, ou encore quelques épices. Le bar à cocktails étant pris d’assaut, on a apprécié pouvoir se désaltérer avec un splendide champagne, servi dans des verres personnalisés assortis. Roubaix, Une lumière, ou un film bien célébré, ce soir au Festival.

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Visuels : © Toute La Culture – DR

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