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[BERLINALE] “La paranza dei bambini” de Claudio Giovannesi : Itinéraire d’enfants pas gâtés

[BERLINALE] “La paranza dei bambini” de Claudio Giovannesi : Itinéraire d’enfants pas gâtés

15 February 2019 | PAR Samuel Petit
Claudio Giovannesi s’empare du roman du célèbre auteur de Gomorra. D’une redoutable efficacité, La paranza dei bambini (Piranhas) retrace avec passion l’ascension et le déclin d’un adolescent dans le milieu de la mafia napolitaine. 
 
Le jeune Nicolà (Francesco di Napoli), 16 ans, vit avec sa mère et son petit frère dans le quartier de Sanità gangréné par le système mafieux. La petite famille étouffe sous les impôts de protection et Nicolà aspire à davantage de revenus pour assouvir les fantasmes que promet une société où l’argent et le pouvoir sacrent les rois. Déjà habitués à la petite délinquance, lui et sa bande vont mettre le pied dans un engrenage qui les propulsera au sommet, du trafic de shit aux exécutions sommaires à la Kalachnikov. C’est à ce parcours initiatique que le réalisateur italien Claudio Giovannesi nous propose d’assister, impuissants et médusés.  
 
L’insouciance, pourtant, de Nicolà, semble mener le rythme du film, se transformant en détermination voire en folie. Giovannesi parvient à créer une immédiate empathie avec son personnage principal, victime magnifique, ambitieux honnête, adolescent impétueux. Le charme napolitain emporte tout sur son passage. Dans des plans larges impressionnants, cette bande d’adolescents-parrains sniffent de la cocaïne et se partagent des prostituées de dix ou vingt ans leurs aînées dans des sortes de fresques décadentes. On est autant fascinés que révulsés devant de tels tableaux. Devant l’échec pathétique de la première tentative d’assassinat de Nicolà, on pouffe. Mais que reste-t-il de notre sourire en coin quand la bande prend possession d’une dizaine d’armes lourdes ? 
 
Et de se demander comment la politique italienne peut endiguer un tel phénomène. Roberto Salviano, l’auteur du roman et de plusieurs autres sur le même sujet, vit depuis plusieurs années sous protection judiciaire. L’adaptation cinématographique ne révolutionne pas le film de gangster (excepté la jeunesse des protagonistes) mais on ressent puissamment la nécessité de mettre en scène les victimes et les bourreaux d’une guerre des gangs qui tue, exploite et détruit ces quartiers de Naples. 
 
Enfin, j’aimerais rajouter à cet article une remarque plus personnelle et plus générale : dès les premières minutes du film, les spectateurs suivant de près ces derniers jours de compétition ne peuvent qu’être frappés par la manière dont les films présentés semblent se répondre : après Synonymes de Nadav Lapid (en complétion officielle) et L’adieu à la nuit d’André Téchiné, il est à nouveau donné à voir à l’écran une masculinité qui s’éprouve par la force physique, les armes, la violence ; chacun dans leurs microcosmes, les trois jeunes héros de ces films semblent fatalement coincés dans ce rôle que les sociétés françaises, israéliennes et napolitaines ont taillé pour eux. On ne peut qu’espérer que ce genre d’oeuvres permettra aux jeunes gens et aux autres d’en voir les limites néfastes et tragiques. 
 
Marie Levy
 
Bild: Palomar 2018
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