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Le colocataire de Marco Berger, dans l’antre du désir

Le colocataire de Marco Berger, dans l’antre du désir

01 July 2020 | PAR Lou Baudillon

Prix d’interprétation au Festival du cinéma LGBTQI+ Chéries Chéris en octobre dernier, le nouveau film du réalisateur argentin Marco Berger raconte le désir naissant et fugace entre deux colocataires. En salle aujourd’hui.

Devant au plus vite trouver un colocataire après le départ de son frère, Juan invite Gabriel, son collègue charmant et taciturne, à emménager. Peu à peu, les regards dépassent la curiosité pour devenir plus insistant. Dans ce film aux détails délicats, attentionné aux petites choses, se dessine un désir naissant et contrarié entre deux hommes. Contrarié pour la simple raison que l’univers dans lequel il évolue apparaît comme machiste, fait de soirées football et de conversations graveleuses sur le canapé. Pourtant, l’effleurement des regards amène doucement l’effleurement des corps. L’érotisme entre les deux protagonistes flotte dans l’air chaud de l’appartement. L’un, père de famille réservé et seul depuis le décès de sa compagne et l’autre, plus exubérant, fêtard et coureur de jupon. L’un lunaire et l’autre solaire : ils se tournent autour, appuient leurs regards ou fuient. Le jeu se manifeste ainsi, dans une séduction discrète et fiévreuse où chaque espace exiguë est propice au rapprochement des corps. Que ce soit les secousses du métro qui amènent au contact des lèvres ou l’encadrement de la porte qui oblige les hanches à se toucher, partout la tension est palpable. Les minutes semblent se figer en ces moments intimes où le moindre détail est capital.

Le touché se devine alors comme étant la seule solution. Les caresses se font comme un appel désespéré au soulagement. Juan et Gabriel laissent enfin exprimer un désir qui peu à peu se change en passion. La beauté des scènes souligne celle des corps, tendrement capturée par les tons orangés que donne le film. Les gestes outrepassent les mots qui paraissent futiles tant le désir est présent, tant l’important se dit dans les silences. C’est alors que l’assurance semble disparaitre et que la peur semble naître. Alors que Gabriel se pose des questions sur ses sentiments, Juan ne semble pas du tout prêt à assumer son attirance. Leur relation n’est faite que de vas et viens entre attrait et rejet, entre délicatesse et jalousie. Le non-dit, jusque-là profond, se fait acerbe. Prise dans les schémas hétéronormés et machistes, on comprend la douleur de cette relation qui devra restée secrète. Cette douleur, c’est celle de l’amour réprimé, celle des conventions sociales qui nous rattrapent… Avec Le colocataire, Marco Berger signe un long-métrage subtile où se lisent autant les difficultés de l’homosexualité dans le monde ouvrier argentin que l’universalité du désir.

 

 

Visuels : ©Optimale Distribution

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