[Critique] du film « Cherchez la femme » Satire respectueuse des identités musulmanes
Sou Abadi réussit haut la main un pari difficile : réaliser une comédie légère (mais avec du fond) sur les identités musulmanes, en abordant la question de la Burka et du fondamentalisme. Cherchez la femme convoque les influences complémentaires du Nom des gens et de Tootsie dans une satire drôle, intelligente et respectueuse, portée par la complicité de Félix Moati et Camélia Jordana. Notre critique.
[rating=3]
Extrait du synopsis officiel : Armand et Leila, étudiants à Science Po, forment un jeune couple. Ils projettent de partir à New York faire leur stage de fin d’études aux Nations Unies. Mais quand Mahmoud, le grand frère de Leila, revient d’un long séjour au Yémen qui l’a radicalement transformé, il s’oppose à la relation amoureuse de sa sœur et décide de l’éloigner à tout prix d’Armand. Pour s’introduire chez Mahmoud et revoir Leila, Armand n’a pas le choix : il doit enfiler le voile intégral ! Le lendemain, une certaine Schéhérazade au visage voilé sonne à la porte de Leila, et elle ne va pas laisser Mahmoud indifférent…
Cherchez la femme avait tout du projet casse-gueule, s’attaquant au phénomène de radicalisation islamiste sous l’angle de la comédie. Sou Abadi ne s’intéresse en réalité pas au fondamentalisme en lui même, ouvrant plus largement son propos sur la question des identités musulmanes dans la France de 2017. La parenté avec le travail de Michel Leclerc et Baya Kasmi (Le nom des gens, Je suis à vous tout de suite) est évidente, partageant une même volonté de raconter avec humour le sentiment de double-appartenance et le travail de négociation de ses origines.
La réalisatrice a choisi d’emprunter une tonalité satirique plus appuyée, ajoutant un ingrédient comique imparable : le travestissement. Ce mélange étonnant met du temps à fonctionner, après une introduction laborieuse sur le retour du frère (William Lebghil) devenu du jour au lendemain intégriste convaincu. Cherchez la femme se rattrape par la suite, en introduisant des nuances et des doutes qui alimentent la comédie tout en offrant un panorama plus complexe qu’il n’y parait sur le rapport à la religion. Réfugiés iraniens laicards, étudiante à Sciences-Po athée, ado croyant mais cherchant encore sa voie, converti de circonstance, fondamentaliste en puissance, etc.
Sou Abadi trouve le ton juste pour nous faire rire avec ce melting-pot de visions radicalement différentes, ne tombant ni dans le consensuel ni dans l’insultant. A l’image du personnage incarné par Félix Moati, qui aurait pu tourner au grand-guignol et apporte au contraire une étonnante sérénité. Devenant petit à petit cette Shéhérazade qu’il a créée de toute pièce et qui lui donne l’occasion de se replonger personnellement dans les textes du Coran pour alimenter sa propre réflexion spirituelle. Une très jolie surprise.
Cherchez la femme, une comédie de Sou Abadi avec Félix Moati, Camélia Jordana et William Lebghil, durée 1h28, sortie le 28 juin 2017