Arts
Traits d’union au musée des Avelines à Saint-Cloud

Traits d’union au musée des Avelines à Saint-Cloud

13 May 2014 | PAR Christophe Dard

Jusqu’au 13 juillet le musée ouvre ses portes aux clichés de 2 jeunes photographes plasticiens, Floriane de Lassée et Nicolas Henry, des prises de vue effectuées lors d’un voyage autour du monde, de l’Afrique au Pacifique en passant par l’Asie. Une invitation au voyage à la rencontre de communautés des 4 coins de la planète.

Putrie, Pays Toraja, Sulawesi, Indonésie, 2013 © Floriane de Lassée - La Galerie Particulière
Putrie, Pays Toraja, Sulawesi, Indonésie, 2013 © Floriane de Lassée – La Galerie Particulière

 

Floriane de Lassée et Nicolas Henry sont 2 jeunes photographes plasticiens et couple dans la vie. Pendant un an, en 2012 et 2013, ils sont partis faire un petit tour du monde où ils sont passés par l’Ethiopie, le Rwanda, le Népal mais aussi l’Inde, le Japon, l’Indonésie, la Bolivie et le Brésil.

De cette expédition ils ont ramené des photographies et une soixantaine d’entre elles sont exposées jusqu’au 13 juillet au musée et dans le jardin des Avelines, le musée d’art et d’histoire de la ville de Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine qui propose chaque année une « parenthèse art contemporain ». Floriane de Lassée et Nicolas Henry ont voyagé ensemble dans les mêmes contrées à la rencontre des mêmes témoins mais chacun avec un style différent pour atteindre le même objectif, nous faire voyager, dévoiler la diversité du monde et montrer que même sans ressources, les hommes ont de l’espoir, de la joie et des rêves.

 

Floriane de Lassée, des portraits d’anonymes entre tendresse et humour

 

Jeunes Népalaises, le poids de la famille nombreuse, Népal, 2013 © Floriane de Lassée - La Galerie Particulière
Jeunes Népalaises, le poids de la famille nombreuse,
Népal, 2013 © Floriane de Lassée – La Galerie Particulière

 

Floriane de Lassée aime les inconnus et les histoires qui accompagnent chacun d’eux. Il y a quelques années, il s’agissait de femmes solitaires dans les mégalopoles internationales. Cette fois, elle s’intéresse aux populations locales de plusieurs pays dans la série How much can you carry ?. Dans ces photographies, les modèles portent sur eux et sur la tête les objets et les vêtements dont ils sont les plus fiers, liés à leur quotidien professionnel et personnel comme autant de symboles du poids de leur vie, des traditions sociales et familiales.
D’emblée ces clichés étonnent par l’absence de misérabilisme. Même si les mises en scène sont simples avec des bâches utilisées pour servir de fond, le travail de Floriane de Lassée offre une vision décalée, positive et même drôle. Célia, la jeune fille bolivienne, nous sourit tout comme Sary et Nifah en Inde. Teshome vient avec ses plus beaux habits pour poser avec orgueil avec une boîte de lait et un cheval à bascule sur la tête tandis que Aru supporte une chèvre. Même chez Gale, originaire d’une région d’Ethiopie où on se bat à la kalachnikov pour avoir accès à l’eau et où il porte sur sa tête un carton d’emballage de micro-ondes et une caisse de coca-cola (symboles de la société de consommation occidentale), la photographie dégage une certaine douceur.

 

Nicolas Henry, le quotidien embarque pour des rêveries lyriques

 

Les couleurs dans le ciel d’une communauté de femmes, Lac Kivu, Rwanda, 2012 © Nicolas Henry
Les couleurs dans le ciel d’une communauté de femmes,
Lac Kivu, Rwanda, 2012 © Nicolas Henry

 

Diplômé des Beaux-Arts de Paris et directeur artistique du projet 6 milliards d’autres de Yann Arthus-Bertrand, Nicolas Henry propose des photographies narratives pleines d’histoires.
Ayant travaillé dans le théâtre, ses modèles sont utilisés dans des mises en scène semblables aux acteurs d’une pièce éphémère, des installations qui demandent du temps et du travail. Nicolas Henry a besoin d’un premier jour pour écouter les communautés des villages, détendre l’atmosphère et créer un rapport de confiance. Le second jour, le décor se construit et tout est fin prêt pour des prises de vue effectuées le plus souvent à la nuit tombée. Et comme au théâtre, les photographies ont leur lot d’ombres, de lumières et de couleurs.
Le travail de Nicolas Henry est très poétique. Dans Yukari et les Sakuras, une ancienne mannequin revient au Japon pour habiter dans le village dans sa grand-mère et attend son prince charmant.

 

Moussa et les livres de lois, Istanbul, Turquie, 2013 © Nicolas Henry
Moussa et les livres de lois,
Istanbul, Turquie, 2013 © Nicolas Henry

 

Pour autant, comme chez Floriane de Lassée, les photographies délivrent un message. On y trouve la critique de la société de consommation, de l’étreinte oppressante de certaines traditions, des injustices et des inégalités. Maya et la déclaration d’amour aérienne est la carte postale d’un rêve, un songe poétique dans lequel un pilote déclame son amour à sa promise depuis un coucou dans les montagnes du Népal. Mais lorsque l’on sait que dans ce pays le mariage arrangé est très répandu, la photographie prend un tout autre sens.
Certains clichés sont beaucoup plus poignants. Moussa et les livres de lois montre un kurde d’Istanbul étendu sur un lit de registres d’actes notariés, plongé dans un tourbillon administratif lié à sa situation, le refus d’un papier indispensable pour se marier avec une Française.

 

Libertad et les mots colorés, La Paz, Bolivie, 2013 © Nicolas Henry
Libertad et les mots colorés,
La Paz, Bolivie, 2013 © Nicolas Henry

 

Mais la plupart des mises en scène adoptent un ton décalé et humoristique pour signifier que malgré la dureté des conditions de vie de ces communautés pauvres et isolées, l’espoir est permis. Libertad et les mots colorés représentent des jeunes filles de rue emprisonnées dans un camp de redressement de la capitale La Paz en Bolivie mais aspirent à un avenir meilleur représenté par les gros caractères du mot liberté. Preuve de cette dérision, Nicolas Henry n’hésite pas à demander à ses modèles de se déguiser en animal !

Les photographies exposées au musée des Avelines mettent en lumière des populations ignorées, méprisées et qui subissent en silence les ravages de la pauvreté, de l’urbanisation et de la pollution. Mais chez Floriane de Lassée et Nicolas Henry, les témoins de ce monde devenu un géant aux pieds d’argile sont des êtres dignes et fiers de leurs racines et de leurs traditions. De fait, les deux photographes ne sont pas des reporters mais des artistes, des capteurs d’une réalité qu’ils arrivent à dépasser pour créer des objets d’art.

A NOTER : l’exposition Traits d’union se poursuit avec d’autres photographies de Nicolas Henry au Domaine national de Saint-Cloud jusqu’au 30 juin.

Christophe DARD.

 

INFORMATIONS PRATIQUES
Traits d’union
Exposition d’art contemporain : Floriane de Lassée et Nicolas Henry, photographes
Jusqu’au 13 juillet.
Musée des Avelines, musée d’art et d’histoire de Saint-Cloud.
60 rue Gounod 92210 Saint-Cloud
Entrée libre
Du mercredi au samedi de 12h à 18h et le dimanche de 14h à 18h
Fermé les lundis, mardis et jours fériés
Visites guidées gratuites le samedi et le dimanche à 15h
01 46 02 67 18
www.musee-saintcloud.fr

 

VISUEL EN UNE
Aru, Éthiopie, 2013 © Floriane de Lassée – La Galerie Particulière

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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