La Political Line furieusement actuelle de Keith Haring au Musée d’Art Moderne et au 104
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Le Musée d’Art Moderne et le 104 nous proposent, pour reprendre la formule du directeur Fabrice Hergott, « d’aller au fond des choses ». 23 ans que Keith Haring est mort, à New-York, terrassé par le SIDA. Et pourtant, son œuvre devient actuelle, loin de l’image d’un street art sympathique. C’est un homme enragé que le parcours d’exposition nous invite à rencontrer.
Nous allons découvrir 250 œuvres, c’est donc une exposition monstre. Des premiers dessins (1978) à sa mort (1989), il n’aura cessé de peindre et de dessiner partout, tout le temps. C’est la frénésie qui nous saisit dès l’entrée dans le Musée d’Art Moderne. Les couleurs jaillissent, le jaune en premier lieu, les lignes appuyées viennent nous raconter une histoire. Des scènes de back room où les mecs baisent à la chaîne, des loups qui menacent, des sexes qui se font couper. Keith Haring dénonce la violence, le racisme, l’homophobie ou encore les essais nucléaires avec la jeunesse qui le caractérise pour l’éternité.
Il y a dans sa démarche, l’attitude d’un prophète. Il cherche à faire en sorte que les choses aillent mieux. Malade, il devient l’un des fers de lance d’Act Up, nous sommes en 1988, il milite pour le safe sex dans une générosité rare. Le 15 septembre 1985, il peint un « Sans Titre » qui représente un monstre dont le corps est barré d’une croix rouge, symbole de la maladie qui le décharne.
Son œuvre est au premier regard ludique et enfantine. Les petits bonhommes si célèbres courent partout, même sur « Beam », une poutre en 1982, même sur le mur de Berlin, même sur les colonnes de l’hôpital Necker en 1987.
Son œuvre est au second regard d’une violence extrême. Il sait associer avec acuité le dessin et la couleur. Le ludique l’amène à dénoncer, toujours dans un trouble éternel : celui du double appel de la rue et du musée, de la reconnaissance et de l’underground dans un même élan. Alors oui, il s’amuse avec le jeune grapheur LA II à détourner les symboles nationaux avec de la peinture fluorescente, ici mise à l’honneur dans une salle psyché où la musique des années 80 retentit. Ensemble, ils peignent et graphent jusqu’aux sarcophages.
Il aura peint le métro, même à Paris en décembre 1984, mais surtout à New-York, ses dessins à la craie, nombreux sont largement montrés ici. Il aura rendu hommage à Michael Stewart dans une toile éponyme où un homme noir vient se faire massacrer. La représentation est limpide, Michael Stewart, graffitiste, meurt en 1983 roué de coups par des policiers.
Cette exposition se lit comme un story board dont les chapitres thématiques hurlent une triste actualité : « Capitalisme, Religion, Mass Media, La menace nucléaire, Le sida, La mort » sont quelques-uns des mots lancés, qui nous touchent, nous transpercent, comme à chaque fois que Keith Haring troue le corps de ses personnages sans visage, dont le ventre devient le cerceau par lequel la meute peut passer.
Aucun des sujets que Keith Haring a dénoncé n’appartient au passé. The political line est une exposition limpide, à la fois photographie de New York en 1980 et portrait d’un artiste à la parole éternelle.
Visuels :
Untitled, 1982, BvB collection Genève, © Keith Haring Foundation
Informations pratiques : Au Musée d’Art Moderne, 11 avenue du Président Wilson, 75008, Paris : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Métro : Alma-Marceau
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