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Inspirations, paysagisme et démolition à l’EAC

Inspirations, paysagisme et démolition à l’EAC

27 July 2022 | PAR Laetitia Larralde

Cet été, l’Espace de l’Art Concret propose trois expositions : Filiations 2, Machines aveugles d’Anne-Valérie Gasc et Si les parallèles se croisent… de Gilles Clément. Visites au son des cigales.

Filiations, regards sur l’Art Concret

Dix ans après la première édition, l’EAC relance une invitation à des artistes contemporains à venir visiter ses réserves et choisir parmi les presque 700 œuvres de sa collection celles avec lesquelles ils se sentent une affinité, un lien. Les neuf artistes sélectionnés ont tous entre 40 et 50 ans (à part le benjamin Fabien Gharbi né en 1997) et se trouvent dans cette période complexe du milieu de carrière, propice à un questionnement sur leur parcours, leurs motivations, leurs influences.

Les liens aux artistes de la collection sont multiples : ils peuvent être une source d’inspiration, en résonnance formelle ou esthétique, ou encore liés à une expérience personnelle, un souvenir. Karina Bisch par exemple a choisi d’exposer ses toiles représentant des motifs de broderie très agrandis en regard d’un tapis de Sonia Delaunay car, en dehors du lien formel de la tapisserie, le parcours de Sonia Delaunay l’a incitée à expérimenter la création sur différents mediums. De son côté, Hugo Schüwer Boss joue sur la ressemblance formelle entre ses tableaux et ceux de la collection au point que le spectateur ne sait plus quoi attribuer à qui.

Fabien Gharbi, quant à lui, est allé jusqu’à intégrer l’œuvre d’Aurélie Nemours dans la sienne. Il vient réaliser une grande fresque murale qui se déploie autour de la toile, créant un réseau géométrique autour entre la partition musicale et le plan technique. Alors que les autres artistes ont marqué une séparation spatiale entre les œuvres de référence et leur travail, il abolit la distinction entre son inspiration et son œuvre, pour ne former plus qu’un seul ensemble cohérent. S’il est évident qu’un artiste ne crée pas ex nihilo et que tout peut être source d’inspiration, l’œuvre de Fabien Gharbi pose la question de jusqu’à quel point un artiste peut s’approprier l’œuvre d’un autre, et où se situe la limite entre inspiration et copie.

Anne-Valérie Gasc, détruire pour créer

En trois salles et trois installations, Anne-Valérie Gasc détruit l’architecture par des processus pourtant très sobres. Elle souligne ici l’échec d’une utopie architecturale moderne, peu adaptée à ses usages et usagers et qui ne supporte pas le passage du temps. Elle filme de l’intérieur la démolition par explosifs de grands bâtiments de béton et simule une construction en verre par le dépôt de micro-billes de verre par un robot, formant un château de sable précaire. Ici, le béton et le verre, principaux matériaux de l’architecture moderne et contemporaine, ne sont plus que des tas de ruines.

La démolition des bâtiments semble dégager l’énergie nécessaire à la naissance de son œuvre, dans une relation étonnante au “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme” de Lavoisier. Si Anne-Valérie Gasc détruit, c’est pour créer.

Les jardins engagés de Gilles Clément

Alors que l’extension du parc du château pensée par Gilles Clément devrait être bientôt inaugurée, l’EAC consacre au jardinier planétaire une exposition documentaire dans la galerie du château. En 2004, il avait déjà pensé la réhabilitation du parc au moment de l’ouverture du bâtiment abritant la donation Albers-Honegger afin de relier les différents lieux du centre d’art ,et il le prolonge aujourd’hui en ouvrant un peu plus le parc sur la ville.

En suivant un parcours thématique, l’exposition retrace la carrière de Gilles Clément et aborde les grands principes qui dirigent son travail. Connu dans le monde entier, il prône une coopération avec la nature, où le jardinier observe plus et jardine moins. Les projets de Mouans-Sartoux, de son jardin personnel de la Creuse et du Domaine du Rayol sont particulièrement mis en avant, ainsi que son engagement politique pour une préservation de la diversité.

Autour de ses valeurs de rencontre avec l’autre et de transmission de la création, l’EAC a mis son travail en regard de textes de Gottfried Honegger et des œuvres de deux artistes contemporains, Enrique Ramirez et Olivier Clavel, dont les empreintes végétales sont également présentes dans le parc.

Avec ces trois expositions, l’EAC nous donne trois pistes pour créer : s’inspirer, démolir et laisser pousser. A vous de choisir la vôtre.

 

Filiations 2 & la Donation Albers-Honegger
du 30 avril 2022 au 26 mars 2023
Anne-Valérie Gasc – Machines aveugles
du 10 juillet au 16 octobre 2022
Gilles Clément – Si les parallèles se croisent…
du 10 juillet au 16 octobre 2022
Espace de l’Art Concret – Mouans-Sartoux

Visuels : 1- Hugo Schüwer-Boss, Roman V2, 2018 – Collection de l’artiste © droits réservés / 2- Karina Bisch, Les Diagonales, 2020 – Courtesy l’artiste © Adagp, Paris 2022 / 3- Anne-Valérie Gasc, Crash box, acier, pneus, caméra, ? 115 x 90 cm, 155 kg, 2011. Photographies : ©Anne-Valérie Gasc / 4- Gilles Clément, Etude pour le château de Mouans-Sartoux, 2004 – Réalisée dans le cadre d’un projet d’aménagement paysager, François Navarro, paysagiste – Oeuvre préparatoire – FNAC 05-930 (5) Centre national des arts plastiques © crédit photo Yves Chenot © droits réservés / Cnap / 5- Enrique Ramírez, Para construir un jardin necesitamos de la tierra y la eternidad, 2019 – Edition de 7 ex + 2 AP – N° Inv. RAMI19222. Courtesy de l’artiste et de la galerie Michel Rein, Paris/Brussels © droits réservés / 6- Olivier Calvel, Etude 2 — empreinte dans le cadre du projet d’installation temporaire dans le parc du château de mouans, 2022 © courtesy de l’artiste

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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