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Salle des fêtes : un microcosme tout aussi intime qu’explosif

Salle des fêtes : un microcosme tout aussi intime qu’explosif

27 January 2023 | PAR Juliette Brunet
Après les Territoires – trilogie, Baptiste Amann présente sa nouvelle pièce au Théâtre Ouvert. Remarquablement interprétée par une dizaine de comédiens, Salle des fêtes allie et relie l’intime et le politique, les états d’âmes individuels et l’existence du bien commun. Dans un monde rural bouleversé par les mutations contemporaines, cette pièce dense et puissante nous pousse à une réflexion sur notre propre psyché et sur la possibilité de faire groupe.
 

Des individualités singulières dans le coeur social du monde rural

La nouvelle pièce de Baptiste Amann prend pour unité de lieu une salle des fêtes, cœur social traditionnel et nouveau forum citoyen du monde rural. Dans cet espace, viennent s’exprimer les rapports de force, les aspirations diverses et les liens intimes qui unissent et désunissent les personnages tout au long de la pièce. Lieu de débats où viennent se confronter des conceptions adverses de la ruralité, entre survie économique, enjeux écologiques et idéalisation bucolique. Point d’ancrage de la vie sociale, accueillant les rendez-vous annuels des vœux du maire, les vide-greniers et les lotos. Lieu social et politique, où font irruption les aspérités intimes et les souffrances individuelles : une corde se noue au plafond le jour de Noël, la folie d’un homme s’y exprime dans une transe musicale, les ambitions déçues d’une écrivaine y résonnent, les conflits familiaux et les déchirures amoureuses s’y révèlent.

Baptiste Amann parvient à tisser des liens entre l’intime et le politique, dans une mise en scène savamment articulée. Ce lieu unique se métamorphose pour imager chacune des thématiques abordées dans cette pièce extrêmement dense, à chaque fois avec justesse et finesse. Avec fluidité et sans rupture artificielle, ce microcosme est dépeint dans ses dynamiques collectives, mais aussi de manière segmentée, chaque personnage étant présenté dans son individualité propre. Les échanges houleux succèdent aux festivités collectives, questionnant la possibilité de faire groupe et l’émergence d’un dialogue entre des personnalités hétérogènes. Tantôt panier de crabe, tantôt communauté solidaire, cette petite société met en lumière des décalages générationnels et des divergences politiques, mais aussi la condition humaine dans ce qu’elle a d’extrême et d’universel.

Une année bouleversante au rythme des quatre saisons de Vivaldi

Baptiste Amann développe les cheminements personnels et les évolutions relationnelles, peignant une fresque humaine toujours en mouvement. Dans cette année en accélérée, l’empreinte du temps marquent les personnages : des résurgences du passé les rattrapent, des évènements imprévisibles les malmènent, des incertitudes sur l’avenir les taraudent. La pièce est composée de quatre actes, dont les transitions sont marquées par les Quatre Saisons de Vivaldi. Si l’on comprend rapidement la mécanique musicale, la substance de chaque chapitre prend des tournures que l’on ne saurait prévoir. Le rythme de la pièce génère notre impatience, nous tient en haleine et aux aguets des bouleversements à venir.

S’attachant à sonder l’intime, l’intrigue plonge progressivement dans la profondeur des personnages, les mettant à nu à partir du lieu qu’ils habitent. Se succèdent utopie et fantasme, désillusion et désenchantement, leur existence avançant par à-coups dans la temporalité régulière des saisons. Dans ce quotidien de village, les non-dits et les petits secrets se font de plus en plus audibles. S’ils évoluent à des rythmes différents, les personnages se trouvent unit dans une temporalité qui ne peut suivre la marche d’une société mondialisé. De ce huis-clos, Baptiste Amann fait surgir des tableaux individuels infiniment subtiles, sans pour autant négliger une mise en perspective sociale et politique. Salle des Fêtes esquisse à travers cette microsociété les bouleversements du monde rural : les dérèglements climatiques, la « culpabilité écologie » attribuée aux travailleurs agricoles, l’arrivée massive de citadin idéalisant et méconnaissant la réalités de ces territoires.

Du 17 au 29 janvier au Théâtre Ouvert
Mardi, mercredi 19h30 – Jeudi, vendredi, samedi 20h30 – Dimanche 16h

 

Visuel © Pierre Planchenault

 
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Juliette Brunet

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