
Tempête dans le monde de la danse : les femmes au cœur d’une polémique
La danse est un milieu dans lequel les femmes revendiquent aussi leurs droits. Les propos tenus par la chorégraphe Karine Saporta lors de son audition devant la Délégation aux droits des femmes du Sénat le 16 mai 2013 ont fait polémique. L’ACCN (Association des centres chorégraphiques nationaux), l’A-CDC (Association des centres de développement chorégraphique) et le syndicat des Chorégraphes associés récusent ses propos par une lettre ouverte du 16 octobre dernier.
Cette chorégraphe, présidente fondatrice de l’Association des Centres Chorégraphiques Nationaux, présidente de la commission Danse, vice-présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques ( SACD) a été auditionnée dans le cadre des travaux sur « la place des femmes dans le secteur de la culture ». Parce qu’elle connaît le monde de la danse par des approches très variées allant de l’opéra aux cultures urbaines, elle s’est faite porte-parole de toute une communauté. Elle y expose un historique de l’évolution positive de la place des femmes artistes dans la danse. Leur corps, d’abord traité comme une marchandise qu’on ne rémunère pas, a ensuite été considéré progressivement dans sa dimension artistique, avant la rupture brutale, dans les années 90. La femme n’est pas toujours représentée dans les milieux consacrés à la danse tels que les conservatoires ou les centres chorégraphiques. L’État a par exemple nommé un homme à la tête du Centre chorégraphique national de Créteil, Mourad Merzouki, réservant à Blanca Li une place indéterminée dont les conditions d’exercices paralysaient totalement le travail. Seulement, un an après, elle a fini par quitter le Centre chorégraphique.
La place de la femme à l’international dans ces milieux est la même selon Karine Saporta, notamment dans le cas de la Belgique. La période noire des années 90 a vu une ambivalence entre hommes et femmes. Seulement, coté flamand, les hommes chorégraphes ont davantage émergé. Les femmes chorégraphes existent mais sont peu soutenues et reconnues. Karine Saporta s’interroge sur la place des femmes dans la danse, et sur leur évolution. Au vu de la disparition progressive de l’espace public, comme de l’institution des chorégraphes femmes, elle a notamment créé le festival du NA (Nous Autres) pour les mettre en valeur.
Le statut et les propos mêmes de Karine Saporta ont été remis en cause par une assemblée de femmes chorégraphes. Le regard qu’elle porte sur l’histoire des femmes dans la danse ne correspond en aucun cas à leur vision. Destinée à Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, cette lettre vient en comparaison directe avec ses propos et son regard sur les femmes dans la danse. Elles dénoncent une audition « truffée d’erreurs et de raccourcis » et une approche « partielle et subjective ». Elles s’y opposent pleinement en particulier lorsqu’elle parle de la victimisation des femmes et du sexisme exprimé à l’égard des chorégraphes masculins. Le procès qu’elles lui intentent s’appuie sur une dénonciation de « contre-vérités ». Néanmoins, elles ne nient pas le fait que les femmes sont en minorité à la têtes des structures qu’elles représentent comme par exemple le CDC (Centre de développement chorégraphique), qui ne comprend que 4 directrices sur les 9 postes de direction. Réclamant une analyse qui dépasse les considérations personnelles, cette lettre ouverte signe une divergence des avis et des ressentis féminins dans l’univers de la danse sur la place des femmes. Elle reste cependant au cœur d’une important polémique. Différentes voix souhaitent se faire entendre pour un meilleur traitement du débat sur une parité en marge de changer.
Visuel : © Karine Saporta