Politique culturelle
[Interview] « L’élection d’un Maire de la Nuit à Paris : une évidence »

[Interview] « L’élection d’un Maire de la Nuit à Paris : une évidence »

09 October 2013 | PAR Bastien Stisi

Maire de la NuitInspiré d’une démarche semblable lancée à Amsterdam il y a dix ans, Paris élira prochainement son Maire de la Nuit par le biais d’une initiative citoyenne et consciencieuse. Sans lien officiel avec la municipalité, mais avec l’aval de tous les acteurs de la Nuit parisienne, le maire se devra d’instaurer un dialogue salvateur entre les institutions, les professionnels de la Nuit, les riverains et le public noctambule. Éric Labbé, dj, attaché de presse du Showcase, et porte-parole officiel de l’élection, nous détaille la genèse et les objectifs de cette singulière élection…

Dans un mois auront lieu les élections du tout premier Maire de la Nuit à Paris, qui se devra de résoudre les « problématiques nocturnes » de la capitale. Quelles sont-elles exactement ?

Éric Labbé : On s’est rendu compte après le lancement de la pétition « Paris : quand la Nuit meurt en silence » qu’il manquait au milieu de la Nuit une représentation concrète du public des lieux de nuit (bars, clubs, salles de concerts, n’importe quel lieu où tu peux potentiellement faire du bruit). On se retrouvait jusqu’alors avec une confrontation systématique riverains / professionnels de la Nuit, avec entre les deux les institutions pour arbitrer le conflit.

Les gentils riverains considérés par les institutions comme des électeurs potentiels d’un côté, les professionnels de la Nuit et leurs intérêts particuliers de l’autre : le débat était forcément biaisé. Comme il n’existe pas de syndicat de clubbeurs, il nous fallait une formule pour intégrer réellement le public au débat, et lui donner l’importance qu’il mérite. On a alors repensé à cette histoire de Maire de la Nuit d’Amsterdam, et à une formule similaire qui existe aussi à Genève, où ils ont établi un Grand Conseil de la Nuit. L’élection d’un Maire de la Nuit à Paris nous est apparu alors comme une évidence. En France, Nantes, Toulouse et Lille devraient suivre le mouvement.

Comment les élections vont-elles se dérouler ?

Éric Labbé : On reçoit des candidatures jusqu’au 16 octobre, et les gens voteront pour le premier tour du 18 au 31. Tous les gens qui se sentent concernés sont invités à voter. On fera ensuite un débat d’entre deux tours entre les six candidats qui auront le plus de suffrages sur Facebook. Et puis, on organisera l’élection définitive dans tous les lieux qui voudront participer (pas mal de lieux du réseau Culture Bar-Bars). La priorité est pour l’instant de trouver des candidats (et des bons !) Il y aura évidemment un aspect festif, mais l’élection est très sérieuse !

Quelle sera la vocation première du Maire de la Nuit ?

Éric Labbé : Il se devra d’abord de représenter le public des lieux de nuit auprès des instances concernées. On attend également de lui une grande force de propositions, sur des sujets que l’on connaît déjà (méditation entre les riverains, les établissements et le public de ces établissements, propositions à l’égard de la mairie et de la préfecture…), et sur d’autres auxquels les professionnels de la Nuit n’auraient pas forcément pensé,  comme l’évocation des conditions d’accès aux lieux.

Quel est le profil idéal du candidat ?

Éric Labbé : L’idéal serait d’avoir quelqu’un qui connaît bien la Nuit, mais qui n’y appartient pas directement, comme un barman, un noctambule notoire ou un dj. Un patron d’établissement, ce n’est pas interdit, mais c’est plus compliqué. Il faut faire attention à ne pas rentrer dans un semblant de conflits d’intérêts : jusqu’ici, la seule réplique de représentants de riverais a été construite sur la base du « les professionnels de la Nuit ont trouvé une potiche pour servir leurs intérêts ».

Quelle légitimité aura le futur Maire de la Nuit à Paris, dans la mesure où son élection ne relèvera pas d’une forme officielle aux yeux de l’État ?

Éric Labbé : Il y a deux facteurs qui peuvent nous permettre d’avoir une légitimité intéressante : réussir l’élection avec un maximum de candidats et de votants (si on a 10 000 votants, la légitimité viendra logiquement), et que le discours de l’élu soit crédible (pas un hystérique qui revendique l’ivrognerie…)

Ce maire aura-t-il des conseillers ?

Éric Labbé : Ce n’est pas obligatoire, mais le règlement stipule que les gens peuvent se présenter avec une équipe. Comme dans beaucoup d’élections, l’idée de la personnification est importante, mais ce serait effectivement vraiment super si les gens pouvaient se présenter à plusieurs.

Êtes-vous en relation avec la Mairie de Paris sur ce sujet ?

Éric Labbé : On a prévenu la Mairie de Paris de l’élection, ce fut un échange très cordial : ils ont parfaitement compris l’intérêt et la pertinence d’une telle démarche.

Y-a-t-il certains lieux parisiens en péril ? Je sais par exemple que du côté de la Butte-aux-Cailles, les riverains sont particulièrement investis…

Éric Labbé : En fait, tous les lieux ont en permanence une épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais c’est vrai que la Butte-aux-Cailles s’est pris un gros truc, avec une association de riverains qui a réussi à interdire la vente d’alcool à emporter à partir de 17 heures ! Tu as le droit de picoler en matinée, mais pas le soir…Il y a le même arrêté préfectoral dans le coin (ndlr : nous sommes attablés à la terrasse de la Rotonde, métro Stalingrad), mais c’est à partir de 21h30. Les pique-niques le long du bassin de la Villette sont d’un coup beaucoup moins sympas…

Est-ce que les clubs parisiens seront obligés d’afficher un portrait officiel du Maire de la Nuit au-dessus des platines réservées aux djs ?

Éric Labbé : Aha oui ! Excellente idée ! Je vais vite soumettre l’idée, et on va lui trouver une écharpe tricolore pour qu’il se balade en club avec !

Pour devenir candidat, ou participer à l’élection du Maire de la Nuit à Paris, rendez-vous sur la page Facebook de l’événement.

Visuel : © affiche de l’élection du Maire de la Nuit à Paris

Dans Vers Wanda, Marie Rémond enquête à son tour sur Barbara Loden
Petite souris, le grand livre des bêtes d’Emily Gravett
Avatar photo
Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration