
Le dernier coup de gueule de Jean Pierre Bacri, 69 ans.
On l’entend d’ici hurler “Putain!!!”. Et nous avec. Non, sérieusement, pas lui, pas l’acteur adoré, pas le compagnon de route d’Agnès Jaoui. Jean Pierre Bacri est mort, à la suite d’un cancer, aujourd’hui, à Paris. Il avait 69 ans..
Par Amelie Blaustein Niddam et Rodolphe Pete
Râleur magnifique, Jean-Pierre Bacri va tellement nous manquer… pic.twitter.com/0due7FFDJC
— Ian Brossat (@IanBrossat) January 18, 2021
La nouvelle transmise par son agente Anne Alvares-Correa s’est répandue en une onde de choc de quelques minutes et tout de suite les images et les titres remontent. Au théâtre et au cinéma il avait écrit avec Agnès Jaoui les monuments de cynisme, de drôlerie et d’humanité que sont Cuisine et Dépendances, On connaît la chanson, Le Goût des autres…
Il était né en Algérie, le 24 mai 1951 et était devenu Parisien dans les années 70 où il fréquentait les cours de théâtre avant de glisser vers le cinéma.
Bien sûr, le râleur, bougon, jamais content, qui bégaie un peu mais pas foncièrement méchant. Une gueule de cinéma, charismatique et irrésistible derrière cette façade peu avenante. Le nom de Bacri sera pour l’éternité associé à celui du râleur du cinéma, un beau et brillant râleur qui a été cinq fois récompensé par cinq Cesar. Mais Jean-Pierre Bacri mérite mieux que ce raccourci pourtant fondé sur quelques rôles marquants et populaires. Car Jean-Pierre Bacri était aussi une plume, redoutable et efficace, avec son double Agnès Jaoui. Leur rencontre, ce ne fut pas qu’un couple dans la vie mais aussi derrière et devant les écrans. Celui de l’ordinateur pour construire des histoires complexes et riches, exploration ciselée, drôle, impertinente, profonde, de la nature humaine, dont un sommet demeure Le goût des autres, salué comme il se doit par la critique.
Mais “Jabac” a également mis son talent au service des autres, en ciselant notamment l’adaptation de Smoking et No smoking pour Alain Resnais. Deux des pièces maîtresses de ce réalisateur exigeant qui demeurent un bijou de dialogues. Les voir tous les deux dans Cuisine et dépendances, couple se retrouvant après dix ans de séparation, cherchant à s’expliquer maladroitement, se disputant sur fond de tendresse et de colère, cela reste un magnifique moment de jeu, tout en nuances et qui se teint aujourd’hui d’une couleur particulière.
Celle de la tristesse de voir parti pour de bon une voix et une présence avec qui tout était possible. 69 ans, c’est trop tôt. Alors oui, les personnages vont continuer de vivre sur l’écran des rediffusions. Mais comment accepter qu’il n’y aura plus de nouveau film avec ce “Meilleur copain” qui nous a tant fait rire, qui a ému, nous a embarqués dans son univers riche et tout en nuances depuis ses premiers rôles, il y a 40 ans, chez Alexandre Arcady. Il sera toujours sur la “Photo de famille”, sans sourire, se mettant de côté, avec cet air prêt à sortir une vacherie. Pour notre plus grand plaisir. Ce plaisir tellement triste en ce lundi.
Visuel : Travail personnel-CC BY-SA 3.0
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