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La verve du président sera-t-elle bientôt teintée de Gangsta Rap ?

La verve du président sera-t-elle bientôt teintée de Gangsta Rap ?

12 March 2014 | PAR Alice Aigrain


La nouvelle a été annoncée hier par le Lab et s’est répandue comme une traînée de poudre dans tous les quotidiens. L’histoire fantasque d’une « plume » présidentielle fan de Gangsta rap. Il faut dire que l’insolite de la situation a de quoi faire parler.

gangsta-rap-pierre-yves-bocquet_4838120Pierre-Yves Bocquet est en apparence un candidat normal pour préparer les discours du président Hollande. Enarque de 40 ans au parcours institutionnel sans fausse note, il quitte ses fonctions de chargé de mission à la protection sociale de l’Elysée pour remanier les discours présidentiels et succède ainsi à Paul Bernard. Il existe cependant un revers à ce portrait. Pierre-Yves Bocquet est aussi Pierre Evil, journaliste et chroniqueur musical spécialiste du gangsta rap.

Vocabulaire fleuri, thématiques haineuses( anti flic, femme…), provocations sont des procédés rhétoriques classiques de ce style musical. Dans son activité de chroniqueur Pierre Evil semble manier ces effets à merveille. Qu’en sera-t-il dans sa nouvelle activité ?
Il est en effet impossible de lire cette information sans tenter d’imaginer un discours présidentiel aux accents gangsta. La dépêche prend alors une tournure humoristique. François Hollande conclura-t-il ses allocutions par « Vive la France et Nique le système » ? Des gimmicks de Snoop Dog s’intercaleront-ils entre une phrase sur le taux de chômage et l’une sur la politique culturelle ?

Une fois tous nos préjugés sur cette musique regroupés dans un discours présidentiel mental des plus cocasses, nous pouvons questionner l’intérêt d’une telle information passée l’anecdote. Certains commentateurs semblent voir dans cela un tournant culturel. Le rap entrerait ainsi à l’Elysée, via l’activité sous pseudonyme de la future plume du président. Ce que les américains aiment nommer la culture d’en bas intégrerait alors la plus haute sphère de la société. Pierre Evil serait donc le pont qui permettrait la fusion de deux cultures qui jusque là étaient censé s’opposer. Un choc des classes que représente le gangsta rap comme le jazz à une époque.

Mais la double vie de Pierre-Yves Bocquet dénote avant tout du fait que le gangsta rap n’évoque pas au prime abord l’aspect lisse et policé d’une carrière de haut fonctionnaire. Si cela ne remet certainement pas en cause ses compétences, il va sans dire qu’il y a là un paradoxe.
Le gangsta rap est un style musical créé en 1980 sur la côte ouest des États-Unis et qui semble se définir par sa volonté de se montrer « anti système ». Les thèmes se veulent tournés vers la violence et les problématiques de la rue et des gangs. Pierre Evil est un des spécialistes de cette musique sur laquelle il a publié plusieurs livres dont le célèbre Gangsta Rap édité chez Flammarion aujourd’hui épuisé. Il a également participé au documentaire Black Music, Des chaînes de fer aux chaînes en or avec Marc-Aurèle Vecchione en 2008, qui retrace l’histoire de la musique noire, de sa genèse au gangsta rap en passant par son appropriation par les blancs. Son activité de critique notamment chez Chronic’art est désormais mise de côté pour se consacrer à un autre exercice d’écriture bien différent. La lecture de ses anciennes chroniques laisse cependant transparaître toute l’ambivalence de sa double vie. À la fois soutenu et incisif (parfois même corrosif), le vocabulaire de ses critiques semblent démontrer que Pierre-Yves Bocquet maîtrise l’art du mot juste… du moins en ce qui concerne le gangsta rap. En sera t-il de même avec les futurs discours du président ? Affaire à suivre.

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Alice Aigrain
Contact : [email protected] www.poumonsvoyageurs.com
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