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Julia Pirotte, l’artiste oubliée au mémorial de la Shoah

Julia Pirotte, l’artiste oubliée au mémorial de la Shoah

13 March 2023 | PAR Elisa Barthes

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le mémorial de la Shoah a inauguré ce 9 Mars l’exposition Julia Pirotte, photographe et résistante. La centaine de tirages exposés offre une rétrospective de l’œuvre de la photographe, entre photoreportage et portraits artistiques. Jusqu’au 30 Mars 2023, les visiteurs pourront admirer ses photos emblématiques tout en découvrant ces clichés restés dans l’ombre.

«Quand je ressens un battement de cœur je sais que ce sera une bonne photo». Juive, communiste, résistante mais aussi artiste, Julia Pirotte a fait de la photographie son arme pour s’engager et transmettre son patrimoine. Au cœur des combats du 20-ème siècle, elle a parcouru l’Europe pour documenter les évènements historiques de son époque. Dans la continuité de la programmation de mise en avant les femmes oubliées de l’histoire, le mémorial de la Shoah consacre deux salles à la photographe. L’objectif de Caroline François et Bruna Lo Biundo, les deux commissaires d’exposition, est de creuser encore plus l’histoire de cette femme, présentée la plupart du temps uniquement comme photoreporter au détriment de sa facette artistique.

Des reportages historiques  

Le visiteur est accueilli par le cliché le plus connu de Julia Pirotte, celui d’un garçon pieds nus assis sur le trottoir sous l’affiche du film Tarzan. L’impression monumentale nous invite à plonger dans l’histoire de cette femme au parcours singulier. En introduction, un mur est dédié aux différents tournants de sa vie : sa fuite de la Pologne, son installation en Belgique, ses débuts en tant que journaliste puis photoreporter, ses engagements politiques. On y retrouve une des rares photos d’elle, accompagnée de sa sœur Mindla. Il était important aux yeux des commissaires de mettre un visage sur ce nom et ces clichés.

La première salle de l’exposition regroupe des tirages originaux, certains développés par Julia Pirotte elle-même. Ce sont toutes des photos issues des reportages de la photographe, réalisés pour la plupart durant la Seconde Guerre Mondiale. Elle a assisté et documenté des moments historiques dont l’internement des femmes et enfants juifs à l’hôtel Bompard de Marseille en 1942, la résistance des FTP dans le sud de la France et la libération de Marseille la même année. En 1946, elle fait partie des rares photographes présents à Kielce juste après le pogrom du 4 juillet. Cet évènement d’une violence extrême causera la mort de 42 juifs, et est le symbole de l’antisémitisme toujours présent à cette époque en Pologne. Julia Pirotte n’hésitera pas à photographier les blessés et les cadavres, ainsi que les cercueils. Ses clichés témoignent du chaos et de la douleur de l’évènement. Un travail d’historien et de datation a été réalisé au préalable par les commissaires, afin de présenter comme il se doit chacun des reportages.

Un parti pris artistique et une volonté de transmettre

Julia Pirotte photographiait la guerre, le chaos, la misère et la douleur. Mais elle aimait aussi les scènes de vie, comme le témoignent les clichés exposés dans la deuxième salle de l’exposition. Contrairement à la première partie, nous retrouvons ici des tirages contemporains, imprimés dans des tailles diverses. La vision artistique de Julia Pirotte est mise en avant avec une série de portraits, regroupés sur un même mur. Des visages de toute époque et de toute ethnie se côtoient. L’artiste a cette volonté urgente de tout capturer, tout témoigner. On remarque que les photos sont parfois prises de manière instinctive, comme si le temps et la guerre la menaçait constamment. Cela se fait ressentir dans sa manière de créer : elle ne fait presque jamais poser ses modèles. Jamais loin de ses engagements et idées politiques, elle photographiait principalement les travailleurs.

À partir des années 1960, sa production photographique se réduit. Un autre combat commence alors : transmettre son patrimoine. Pendant des années, elle propose ses clichés aux centres de documentation de l’histoire Juive dans plusieurs pays, dont le mémorial de la Shoah. C’est en 1980 que sa notoriété et la reconnaissance internationale naissent. Ses photos sont exposées à New York, Stockholm, Charleroi, mais aussi aux rencontres d’Arles. Sa carrière et son engagement tout au long de sa vie lui vaudront le titre de chevalier des Arts des Lettres.

Pour en savoir plus sur l’exposition, cliquez ici !

Visuels : L’Homme nouveau ou la puissance du travailleur. Varsovie, Pologne, 1947
© Julia Pirotte/Musée de la Photographie à Charleroi.

Fillette tenant une tasse, camp de Bompart, Marseille (Bouches-du-Rhône). France, 1942.
Coll. Mémorial de la Shoah/Julia Pirotte.
 
Échange de pots sur la place. Lituanie, 1938-1939. 
© Julia Pirotte/Institut historique juif de Varsovie.
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Elisa Barthes

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