
Off d’Avignon, Thélonius et Lola, le conte militant de Zabou Breitman
Au OFF d’Avignon, jusqu’au 31 juillet au Théâtre du Chêne Noir, avant une immense tournée, Zabou Breitman met en scène le texte de Serge Kribus sur fond des rythmes klezmer d’Eric Slabiak. À partir de 7/8 ans.
Elle, c’est Lola (Sarah Brannens), une petite fille pas si petite que ça et qui s’ennuie un peu. Un jour, elle croise sur son chemin un chien très particulier, Thélonius (Charly Fournier). Ce chien parle humain et chante comme Jacques Brel. Pas commun…
Alors, au début, on se dit que c’est juste bien et que c’est chouette parfois de montrer du théâtre de forme traditionnelle aux enfants. Ici, le décor et les costumes sont littéraux : un trottoir, une bouche d’égout, un ciré jaune pour elle ; une chapka aux longues oreilles et un costard pour lui. Elle est une petite fille, il est un chien bizarre, nous sommes dans la rue.
Puis, pour notre plus grand plaisir, la complexité s’invite dans le récit quittant cet aspect de théâtre classique. Le jeu se fait plus fluide, teinté de mouvements empruntés à l’acrobatie et à la danse. D’ailleurs, Yung-Biau Lin et Nadejda Loujine ont accompagné le projet sur ces deux points. Car il s’agit d’une grosse machine, produite par la Maison de la Culture d’Amiens et soutenue, entre autres, par le Théâtre du Nord où les décors ont été construits.
Puis, sur le fond, le conte se fait sombre, et vient chercher à la fois dans la traque des juifs sous la collaboration et dans celle des sans-papiers qui vivent dans la peur aujourd’hui. Car dans cette histoire, une loi traque les chiens sans colliers qui doivent vivre cachés dans des caves. C’est une histoire d’amitié enfant-animal, grand classique de la littérature jeunesse qui devient un manifeste pour la désobéissance et la résistance. Que cette phrase-là ne soit pas malencontreuse. Nous ne confondons pas nazisme et santé publique dans cette rédaction, non !
Il s’agit ici de désobéir à un (vrai) régime totalitaire où des individus sont traités comme des chiens, comme des non-humains. Face à cela, le violon d’Éric Slabiak ne laisse aucun doute sur le choix de l’exil comme seul espoir de liberté pleine et entière.
Un très joli spectacle jeune public qui séduira également leurs parents.
Prochaine date : le 9 novembre à l’Espace Legendre, Compiègne.
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage