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Le quatuor Zaïde à la direction artistique du Festival du Quatuor à Cordes du Luberon, interview.

Le quatuor Zaïde à la direction artistique du Festival du Quatuor à Cordes du Luberon, interview.

23 August 2019 | PAR Myriam Saab-Seurin

La violoncelliste Juliette Salmona, l’altiste Sarah Chenaf et la violoniste Leslie Boulin Raulet, du Quatuor Zaïde s’expriment sur la direction artistique du Festival du Quatuor à Cordes du Luberon, et sur leur travail en quatuor.

Le Festival du Quatuor à Cordes du Luberon a quarante-quatre ans. Pour quelle raisons et dans quelles circonstances le Quatuor Zaïde en a-t-il repris la direction ?

Sarah Chenaf : En tant que quatuor, c’était un rêve de prendre la direction artistique d’un festival ou même d’en créer un. En l’occurrence, nous étions déjà venues plusieurs fois à ce festival en tant qu’interprètes, et cela avait vraiment du sens d’en reprendre la direction, puisqu’en plus il y a une tradition un peu familiale (il a été dirigée par la mère de Juliette Salmona) C’est un rêve qui se réalise de pouvoir programmer des artistes qu’on admire, d’élaborer avec eux la programmation, le répertoire, de choisir des thématiques à développer. Cette année, c’est Femmes, avec trois points de vue qu’il nous semblait important d’aborder : la Femme-Muse, la Femme-Compositrice, et la Femme-Interprète.

Juliette Salmona : Ce soir [le 22 août], ce sera la Femme-Compositrice avec Camille Pépin.

 

Depuis quelques années, les programmations autour des compositrices sont devenues plus fréquentes, et pourtant on a l’impression que Clara Schumann ou Cécile Chaminade sont toujours écoutées à travers ce prisme particulier du genre. Qu’est-ce cela vous évoque ?

 JS : Justement, nous avons construit le programme du premier concert du festival en pensant à cela : nous avons mis côte à côte Robert et Clara Schumann, puis Fanny et Félix Mendelssohn. En fait, le public ne se dit pas du tout « Ah, Clara Schumann – ou Fanny Mendelssohn – c’est moins bien ! ». En l’occurrence, le quatuor de Fanny Mendelssohn est un chef d’œuvre absolu qui est largement aussi beau, sinon plus, que les six quatuors de Félix Mendelssohn. Le fait de juxtaposer « les deux Schumann », « les deux Mendelssohn » est une façon de faire sentir au public qu’aucun des deux n’est inférieur à l’autre.

 

Une façon de faire oublier au public qu’il est en train d’écouter l’œuvre d’un homme ou d’une femme ?

JS : Oui !

SC : Pour que dans quelques années, on n’ait plus besoin de préciser « c’est bien de programmer des compositeurs femmes, c’est une bonne démarche ! ».

 

Vous-mêmes, en tant qu’interprètes d’un ensemble exclusivement féminin, avez-vous l’impression d’être écoutée plus spécifiquement en tant que femmes ?

 Leslie Boulin-Raulet : Je trouve qu’en tant qu’interprètes femmes, on ne nous laisse rien passer, les gens sont intransigeants, alors qu’il y a beaucoup plus de douceur et de rondeur lorsque ce sont des hommes qui jouent ; on a souvent des remarques sur la manière dont on se tient, la manière dont on est habillées.

 

JS : Nous avons eu des remarques déplacées, mais je pense que, comparées à un groupe de femmes qui aurait fait la même chose que nous, il y a peut-être vingt ans, les choses ont avancé. Il faut qu’elles avancent encore beaucoup, mais on peut saluer les progrès.

 

Pour en revenir à la direction du Festival, qu’est-ce que cela change de diriger à quatre ? Est-ce que cela rejoint votre travail en quatuor ?

 LBR : Ce n’est pas vraiment différent de la manière dont on travaille en quatuor, c’est ce qui est vraiment intéressant. Cela s’est fait assez naturellement : qui fait quoi, qui a quel rôle…

JS : On se connaît très bien, on sait à qui on peut faire confiance, sur quel point […], c’est assez sécurisant.

SC : Dans nos objectifs pour le festival, il s’agissait évidemment de perpétuer la tradition d’un ancien festival de quatuor à cordes. Mais nous avions envie d’ajouter à cela notre touche personnelle ; le rapport entre le personnel du festival, les artistes et le public nous tenait à cœur. A quatre, on se déploie pour aller encore plus au contact du public parce qu’on aimerait que le festival devienne un rendez-vous incontournable, à la fois pour sa qualité musicale, mais aussi parce que c’est un moment où se retrouver, retrouver des amis, avec un noyau fidèle et une ambiance chaleureuse. Nous assistons bien sûr à tous les concerts et allons parler au public.

JS : Nous avons créé aussi des évènements autour des concerts. Nous avons fait une visite en musique de l’Abbaye de Silvacane, nous nous étions installées dans les coins pour jouer des morceaux, cela créé une ambiance particulière… Il y a des dîners d’après-concert avec les artistes.

LBR : Un atelier de lutherie ! [avec la luthière Inès Morin, ndlr]

SC : Une table-ronde autour de cette question de « Femmes-artistes » animée par Arièle Buteaux. On voulait qu’à un moment donné, les gens se posent et parlent.

JS :Un autre point important était de faire participer des gens de la région.

Une dernière question, à propos du Quatuor Zaïde. On retrouve dans votre disque Amadeus – avec des transcriptions de la Flûte Enchantée – et dans votre disque consacré à Franck et Chausson, avec la Chanson Perpétuelle, une ouverture à l’art vocal. D’où vous vient ce goût particulier ?

 

LBR : La vocation du quatuor, qui s’appelle Zaïde [comme l’opéra de Mozart, ndlr], est de chanter. Souvent, dans mes partitions, j’écris « chanter ». Cela amène un son particulier et assez distinctif.

SC : Par rapport au disque Mozart, nous voulions évidemment reprendre des airs d’opéra, c’est la partie « chant », mais ce qui nous intéressait aussi, c’était, à quatre, de reconstituer un opéra, de faire les décors, l’orchestre, les chœurs. Aujourd’hui, quatre-vingt dix-neuf pour cent des gens qui écoutent ce disque connaissent l’opéra, donc la fonction de la transcription n’est plus la même qu’à l’origine, puisqu’elle était de faire connaître l’opéra. Mais elle permet aux auditeurs, en l’écoutant en quatuor, de penser à la meilleure des version, aux décors, qui sont dans leur tête ou qu’ils peuvent imaginer eux-mêmes.

Une évocation plus libre ?

SC : Oui !

Propos recueillis par Myriam Saab-Seurin.

Festival du Quatuor à Cordes du Luberon, jusqu’au 25 août.

Quatuor Zaïde. Crédit photo: Kaupo Kikkas.

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