“Not That Kind of Girl” de Lena Dunham : un anti-guide à l’usage des filles… qui passe un peu à côté
Lena Dunham n’a pas encore trente ans et son palmarès est déjà impressionnant : avec sa série Girls, qu’elle écrit, produit, réalise et dans laquelle elle tient l’un des premiers rôles, elle a remporté un Emmy Award et deux Golden Globes dès la première saison, elle est encensée par Joyce Carol Oates et de nombreux autres grands auteurs, et le Times l’a classée parmi les cent personnes les plus influentes du monde. Ainsi, la sortie de son autobiographie (à 28 ans, il fallait oser) est marketée comme un événement par Random House, son éditeur américain, qui a avancé la rondelette somme de 3,5 millions de dollars à la jeune femme pour cette commande. Après plus de 300 pages, la question se pose : Not That Kind of Girl est-il vraiment le phénomène littéraire que l’on nous vend ?
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Not That Kind of Girl se présente comme un “anti-guide à l’usage des filles d’aujourd’hui”, traduction du sous-titre américain “A young woman tells you what she’s ‘learned’“. Aujourd’hui riche et célèbre, Lena Dunham revient donc sur les 28 premières années de sa vie sur un mode léger et ironique, sur le ton de la bonne copine qui raconte ses déboires amoureux, ses nombreux régime, ses premiers pas professionnels, et ses histoires de cul foireuses… sans jamais se départir de ce ton débonnaire agrémenté de petits dessins enfantins qui tendent à discréditer le propos plus qu’ils ne le servent.
Car il est étonnant de constater que Lena Dunham ne semble jamais rien prendre au sérieux que ses histoires futiles de régime et de plans cul. A tel point qu’on se demande parfois si elle s’acharne à se rendre plus sotte et superficielle qu’elle ne l’est réellement, à tel point qu’elle raconte le viol qu’elle a subi à la fac avec une désinvolture qui fait frissonner. Elle ne s’est pas rendue compte à l’époque qu’elle était victime d’un viol – et ce n’est pas ce que nous lui reprochons, c’est à la rape culture qu’elle doit cette horrible confusion – et ne semble toujours pas mesurer la gravité des événements. Parce qu’elle s’obstine à rester dans ce ton extrêmement oral, usant d’un vocabulaire adolescent et parfois si girly qu’il en devient ridicule. C’est dommage, car Lena Dunham est une jeune femme brillante, même si elle semble s’efforcer de vouloir prouver le contraire en tartinant de longues pages ennuyeuses de ses régimes ratés. Car le livre finit rapidement par tourner en rond, hélas.
Lena Dunham parle d’elle, donc, et se place dans la posture d’une charmante écervelée qui se préoccupe avant tout de sa petite personne pourrie gâtée sans vraiment se soucier de ce qui se passe autour d’elle. Attachante, certes, mais sans grand intérêt. Et on reste sur sa faim, d’autant plus que la quatrième de couverture la qualifie de “voix de sa génération” : une chose est sûre, Dunham parle d’elle et non de sa génération. Le livre plaira certainement aux fans de la jeune femme et à ceux qui apprécient la chick lit. Pour les autres, il deviendra vite lassant. Dommage.
Not That Kind of Girl (Antiguide à l’usage des filles d’aujourd’hui) de Lena Dunham. Editions Belfond. Traduit de l’anglais (américain) par Catherine Gibert. Paru le 09 octobre 2014. 320 p. Prix : 20 €.
Photo : couverture du livre