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[Critique] “Que ta joie demeure”, Denis Côté parle travail
Après Vick + Flo ont vu un ours prix spécial du jury à Berlin, Bestiaire, Curling, on retrouve avec Que ta joie demeure la liberté d’image et de silence que s’octroie le grand (au propre comme au figuré) québécois Denis Coté, que nous avions eu la chance de rencontrer.
Avec Que ta joie demeure, Denis Côté nous amène dans la bête de Metropolis. En plans serrés, les machines hurlent en nous regardant droit dans les yeux quand elles pilonnent. Elles sont farouches et ne donnent pas envie, monstres d’acier, de les approcher. D’ailleurs, le réalisateur ne s’y trompe pas. Il ouvre son film par une adresse au spectateur où une jolie fille qui ne nous regarde pas dans les yeux nous demande de l’accueillir, puis, une citation de Courteline “Le travail est le lieu où les gens qui arrivent en retard croisent dans l’escalier ceux qui partent en avance” nous cueille en nous signalant bien qu’ici, on peut s’attendre à de l’expérimental pur.
Les amoureux du genre, et nous en sommes, en auront pour leur compte. Ici, la force documentaire est incroyable car elle est quasi silencieuse. Des machines on en voit plein, de toutes sortes, dans une usine imaginaire puisqu’elle le montage de plusieurs entrepôts on ne sait où. L’humain, le vrai, arrive tard, par allusions. Il est celui qui est soumis à l’objet avant de laisser apparaître des aspects vitaux. Là, sur un rebord où enfin on peut voir le jour, un broc d’eau donne une information : ces formes dont le visage est couvert par des masques à faire pâlir Dark Vador ont besoin de boire. Plus tard, nous verrons de l’herbe, de la pluie et du soleil. Le monde ne se résume pas au chant des êtres d’airain.
Le film compte deux parties tranchées à la scie métallique. Une naturaliste puis une symboliste. On engorge d’abord, on recrache ensuite. Et dans cet après il y a du jeu, de la fiction, un récit, des angoisses, de la lassitude. L’homme devient être souffrant secondé par le violon de Bach qui dans les mains d’un enfant joue faux Jésus, que ta joie demeure qui donne avec son lot d’ironie son titre au film.
On sort de là groggy, avec un regard étrange qui se pose sur le travail de forçat qui se trouve à chaque ravalement de faussée dans la ville. “Que ta joie demeure” est un choc visuel et sensitif où les “vrais gens” croisent les acteurs. Côté met du réel dans la fiction pour que les clichés, comme la joie demeurent dans ce monde que l’on croit abandonné à Zola. 100% XXIe siècle, le film met le viseur sur les petits avec grandeur.
Que ma joie demeure, Denis Côté, Norte distribution, Canada, 2014, 70′, en salles le 29 octobre.